Ils sont plus de 400 000 Sud-Soudanais à avoir fui le Soudan depuis le début de la guerre mi-avril, et sont rentrés dans leur pays en catastrophe. Parmi eux, une femme Nuer de 33 ans, que nous appellerons Mary, a vécu plus de dix ans à Khartoum. Elle témoigne des atrocités commises par les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Dogolo (dit Hemedti).
De notre correspondante de retour de Rotriak,
Son bébé dans les bras, Mary marche à travers les tentes après avoir reçu une assistance en argent liquide d’une ONG. Un soutien vital puisqu’elle est seule à s’occuper de sa belle-mère, très malade et âgée, ainsi que de ses enfants, depuis leur fuite de Khartoum. Les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Dogolo continuent de se battre contre les Forces armées soudanaises (FAS), et s’en prennent aussi aux civils, n’épargnant pas les nombreux Sud-Soudanais vivant à Khartoum, comme Mary. À Rotriak, une localité située au nord de la ville de Bentiu, la capitale de l’État d’Unité, non loin de la frontière avec le Soudan, des dizaines de milliers de rapatriés se sont installés le temps de trouver les moyens de rejoindre leurs régions d’origine.
« Avant le conflit, nous avions une vie confortable à Khartoum, raconte Mary. Mais dès les combats du 15 avril, tout a changé pour le pire. Beaucoup de gens ont été tués, et beaucoup d’atrocités ont été commises. Les FSR violent les femmes. Si vous refusez, ils vous tuent. Ils volent aussi tout ce que vous possédez. Nous sommes arrivées ici sans rien. »
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« Les Forces de soutien rapide ont aussi violé leur fille, devant tout le monde »
Dès les premiers jours du conflit, les Forces de soutien rapide ont pénétré dans l’enceinte où Mary et d’autres familles Sud-Soudanaises habitaient. Il s’agit de Jabra, un quartier nord de Khartoum. Sous la menace, Mary leur a donné toutes les économies de la famille, qu’elle gardait soigneusement « enterrées dans un trou, en cas de problème ». Elle a ensuite supplié les miliciens de les laisser tranquille.
Ses voisins, eux, n’ont pas eu cette chance. Mary a assisté impuissante aux viols dont cette famille a été victime : « C’étaient mes voisins, témoigne-t-elle. Les FSR ont violé des hommes, mais ça, c’est trop difficile d’en parler. Ils ont aussi violé leur fille, devant tout le monde. Devant moi, devant son frère et sa mère, toute la famille était présente. Elle avait seulement 12 ans. Et ils étaient un groupe, les FSR faisaient la queue pour la violer. Après ça, elle est restée paralysée, ses jambes ne la portaient plus. C’était terrible. C’est dur de me souvenir de ça. Il n’y avait pas d’hôpital où l’emmener, en pleins combats c’était impossible… Je ne sais pas comment elle va maintenant, car cette famille a fui après ce drame. C’étaient des Nuer aussi. »
Mary est alors enceinte. Elle donne naissance à une petite fille le 5 août et décide de fuir Khartoum le jour même. Sur la route, le harcèlement par les Forces de soutien rapide continue, ralentissant le trajet. Au bout d’un mois et demi, Mary, son aïeule, son bébé et les autres enfants finissent par arriver à Rotriak. Depuis, elle survit en quémandant du poisson aux pêcheurs. Elle ne songe pas un instant à retourner au Soudan : « Je préfère mourir dans mon pays. Après ce dont j’ai été témoin à Khartoum, je ne veux pas y retourner. »
Mary dit attendre « l’aide de Dieu » pour pouvoir continuer son voyage jusqu’à Leer, au sud de l’État d’Unité, sa région natale.
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