Soudan du Sud: dans la région de Tonj, l’impact des conflits communautaires sur la sécurité alimentaire [2/2]

L’explosion du nombre de personnes en situation de grave insécurité alimentaire est la conséquence du changement climatique et des inondations catastrophiques qui ont frappé le Soudan du Sud ces dernières années, mais elle est aussi le produit des conflits communautaires qui déchirent la région. Les heurts entre clans d’éleveurs, souvent liés à des vols de bétail, peuvent en effet devenir totalement hors de contrôle et faire de nombreux déplacés. Des morts sont souvent à déplorer du fait que ces gardiens de troupeaux portent des armes. Mais la région vit actuellement une période d’accalmie ; certains services médicaux, fermés à cause de l’insécurité, sont de retour, et les habitants tentent de développer l’agriculture avec l’aide d’ONG.

De notre envoyée spéciale à Malual Muor,

Baignés de l’intense lumière de fin d’après-midi, des garçons guident leurs vaches aux longues cornes sur l’immense plaine à ciel ouvert à Malual Muor, un lieu-dit situé à une dizaine de kilomètres au nord de la ville de Tonj.

« Je m’occupe des vaches, c’est mon père qui m’a appris ce métier », raconte Ngor Majak, 16 ans. « C’est très facile et j’aime ça, car c’est avec ces vaches que, plus tard, je paierai la dot pour me marier ! »

Le visage couvert de cendres blanches et djellaba à fleurs, Ngor Majak n’est jamais allé à l’école. Le bétail, c’est toute sa vie, pour le meilleur et pour le pire. « Quand quelqu’un essaie de venir voler vos vaches, il pourra essayer de vous tuer, ou bien, c’est vous qui le tuerez. Ça ne changera jamais, c’est notre mode de vie à nous, les éleveurs de bétail. Le gouvernement ne peut pas empêcher ces conflits », se résout-il.

Son collègue du même âge, Chol Kau, n’est pas de cet avis : « Avec un contrôle des armes, et avec le développement de nos villages, ça pourrait s’améliorer, les gens pourraient changer de mentalité. Si le gouvernement pouvait désarmer les civils, en fait tout rentrerait dans l’ordre », pense-t-il.

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« C’est quand les gens ont faim qu’il y a des conflits »

À 80 km de là, dans le comté de Tonj-Est, le village de Mapara a été ravagé par les inondations, mais aussi par les conflits communautaires, en 2020. « Ces conflits, c’est toujours à cause du vol de bétail ou des enlèvements de filles par un autre clan », explique Dhor Gur, le chef du village depuis 48 ans. « Entre 2020 et 2022, ils ont fait beaucoup de déplacés, la nourriture était insuffisante ici à Mapara, vingt enfants sont morts de faim pendant cette période. Mais depuis qu’il y a une clinique, ça va mieux. »

En 2023, l’ONG Amref Health Africa a installé une clinique sous une tente, qui traite, entre autres, la malnutrition infantile. Dans un potager-école mitoyen, les femmes du village sont formées pour faire pousser des légumes à la maison.

Parmi elles, Nyandhier Ruop, 39 ans : « C’est quand les gens ont faim qu’il y a des conflits, comme pendant les inondations il y a quatre ans : nos voisins sont venus voler du bétail chez nous, et les violences ont commencé. Ce qu’il faut, c’est que le gouvernement maintienne la paix, car nous, les communautés, nous n’y arriverons pas toutes seules ».

La communauté de Mapara espère voir le développement de services de base, dans ce village qui n’a ni école, ni centre de santé permanent, pour une population de près de 5 000 habitants. Mapara est, en outre, coupé du monde pendant la saison des pluies, et les habitants attendent avec impatience la construction d’une vraie route pour accéder au village.

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