Soudan du Sud : la répression persistante compromet les perspectives de paix et d’élections crédibles
Le rapport de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies au Soudan du Sud détaille la manière dont le Service de sécurité nationale (NSS) impose le régime de censure de l’État dans les salles de presse et interfère fortement avec les activités de la société civile. Ses agents se déploient dans les salles de presse pour examiner le contenu et supprimer les articles jugés critiques ou gênants pour le gouvernement, y compris la couverture des questions politiques et des droits de l’homme.
Les médias indépendants en ligne sont régulièrement la cible de cyberattaques et de blocages de sites web.
Une intolérance extrême à l’égard des opinions critiques
« Il est surprenant de constater que le gouvernement traite les journalistes et les membres de la société civile qui émettent des critiques comme des ennemis du parti politique au pouvoir, ce qui reflète son intolérance extrême à l’égard de toutes les formes de contrôle public et d’opinions critiques », a déclaré dans un communiqué, Yasmin Sooka, Présidente de la Commission.
Ces restrictions et cette censure « n’augurent rien de bon pour les perspectives démocratiques », a ajouté Mme Sooka, relevant l’importance de ces « voix essentielles dans le développement d’une gouvernance responsable et des processus démocratiques ».
La Commission exhorte ainsi Djouba à cesser de toute urgence la censure illégale des médias, à mettre fin aux restrictions intolérables sur les activités civiques et politiques, mais aussi de cesser les attaques contre les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme.
Le Service national de sécurité (NSS) exige également des groupes de la société civile qu’ils obtiennent une autorisation préalable pour toutes leurs activités. Ces derniers sont ensuite surveillés afin de les dissuader de parler de sujets et d’événements que les autorités préféreraient qu’ils évitent.
Des opérations extraterritoriales menées par le NSS au Kenya
Selon les enquêteurs onusiens, les personnes qui ne respectent pas ces règles arbitraires et illégales font généralement l’objet de surveillance, d’intimidation et de violations des droits de l’homme, y compris de détention arbitraire.
Les opérations extraterritoriales de grande envergure menées par le NSS dans d’autres pays, y compris les restitutions illégales à partir du Kenya, signifient que peu d’endroits sont sûrs pour les personnes ciblées par le gouvernement.
Instrumentalisé pour asseoir le pouvoir du parti politique dominant, le NSS reflète les tactiques utilisées par les services de renseignement du régime de Khartoum lorsque le sud faisait partie du Soudan.
« Il est tragiquement ironique que, dans un Soudan du Sud indépendant, ses libérateurs, aujourd’hui au pouvoir, ne tolèrent pas le contrôle public, les points de vue critiques et l’opposition politique », a déclaré l’un des experts de la Commission, Barney Afako. « L’abandon de ces pratiques illibérales et autocratiques sera essentiel si les Sud-Soudanais veulent réaliser les aspirations à la liberté qui ont motivé leur quête d’indépendance ».
Des stratégies politiquement calculées pour maintenir le statu quo
Le rapport de la Commission replace la résistance de l’État à la démocratisation dans le contexte de décennies de factionnalisme au sein du mouvement de libération militarisé.
« Il reflète un profond sentiment de droit de la classe dirigeante à s’approprier le butin de l’indépendance », fustige le rapport, insistant sur « l’aversion pour la dissidence et le débat, ainsi que la volonté de recourir à la coercition et à la violence pour poursuivre des objectifs politiques, qui ont alimenté des violations flagrantes des droits de l’homme ».
Pour la Commission, il s’agit là de stratégies politiquement calculées pour maintenir la suprématie des élites au pouvoir et consolider ainsi le statu quo.
« Cette situation est incompatible avec les obligations de l’État en matière de droits de l’homme et intolérable pour les populations du Soudan du Sud », a affirmé pour sa part Carlos Castresana Fernández, membre de la Commission.
Dans ses recommandations visant à mettre fin à la censure illégale et aux restrictions arbitraires des activités politiques, la Commission exhorte Djouba à donner la priorité au renforcement des institutions judiciaires. Il s’agit surtout de mettre en œuvre des aspects essentiels de l’accord de paix revitalisé, notamment l’élaboration d’une constitution permanente inclusive et la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle envisagés dans cet accord.
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.