Soudan du Sud : les arrestations d’un ministre et d’un général menacent une paix fragile

Ce plan de partage de pouvoir, signé en 2018 mais dont de nombreuses modalités n’ont pas été mises en œuvre, a mis fin à une guerre civile entre les deux parties qui a fait près de 400 000 morts et quatre millions de déplacés entre 2013 et 2018. Ces dernières semaines, un regain de tensions a été observé notamment dans l’Etat du Haut-Nil (nord-est), où l’armée dit avoir été attaquée par un groupe armé lié au vice-président, ancien chef rebelle, faisant craindre la montée d’une « violence généralisée » à plusieurs organisations.

« Aucune explication ». Mercredi, le ministre du Pétrole Puot Kang Chol a été interpellé selon son porte-parole. « A 2 heures du matin, l’honorable Puot Kang Chol, plusieurs membres de sa famille et ses gardes du corps ont été arrêtés dans sa résidence à Juba », a écrit Sirir Gabriel Yiei Ruot sur Facebook, en accusant les forces loyales au président d’avoir mené l’opération. « Aucune explication ou base légale à sa détention n’a été fournie », a-t-il ajouté.

Mardi, le général Gabriel Duop Lam, un autre allié de M. Machar et officiellement n°2 de l’armée régulière sud-soudanaise (SSPDF), avait déjà été arrêté par le n°1 de l’armée lui-même, selon le parti du vice-président, le SPLM-IO. « Cet acte met tout l’accord (de paix) à risque », a affirmé dans un communiqué Pal Mai Deng, porte-parole du SPLM-IO, en dénonçant une arrestation illégale. Comme le précise le texte, le général Lam est un haut responsable du SPLA-IO, la branche armée du SPLM-IO.

« Violence à grande échelle ». Les SSPDF, loyales au président, ont également cerné la maison du vice-président, a affirmé la même source, sans qu’on sache si M. Machar se trouve sur place. « Ces actions érodent la confiance entre les parties et ruinent les efforts de désescalade des violences actuelles qui ont éclaté dans le comté de Nasir de l’Etat du Haut-Nil », poursuit le communiqué, qui appelle « tous les garants de l’accord et les partenaires à intervenir afin d’éviter un retour de la violence à grande échelle ».

Mi-février, des combats ont éclaté entre l’armée et des « jeunes armés » dans le comté Nasir, près du Soudan, tuant des civils et blessant un casque bleu, selon la Mission des Nations unies dans le pays (Minuss). L’ONG Human Rights Watch (HRW) avait souligné à propos de ces affrontements que l’armée était engagée dans cette région dans un conflit permanent avec le SPLA-IO. De son côté, l’armée régulière a accusé le SPLA-IO de collaborer dans le Haut-Nil avec un groupe appelé « Armée blanche » pour les attaquer.

« Profonde inquiétude ». Fin février, plusieurs organisations multilatérales et non gouvernementales avaient averti d’une montée de tensions dans le nord du pays, s’inquiétant d’un risque de « violence généralisée ». Elles avaient appelé à la désescalade. Mercredi, le bloc régional Igad a exprimé dans un communiqué sa « profonde inquiétude » au sujet des violences dans le comté de Nasir. Les combats « menacent de saper les gains obtenus de haute lutte (dans le cadre de l’accord de paix) et exacerbent la situation humanitaire déjà extrême dans la région », souligne l’Igad.

Depuis son indépendance en 2011, l’Etat le plus jeune de la planète, riche en pétrole mais extrêmement pauvre, est en proie aux violences, sur fonds de conflits ethniques persistants. L’accord de paix de 2018 prévoit notamment la rédaction d’une constitution, la tenue d’élections – plusieurs fois reportées – ainsi que le chantier d’une armée « unifiée », censée réunir les forces armées qui se sont combattues durant la guerre civile. Lundi, le président a réuni les ministres de son gouvernement d’unité, dont M. Machar et M. Chol, pour évoquer les violences. Un rapport des Nations unies publié le 28 février a déploré que les dirigeants du Soudan du Sud attisent la violence et l’instabilité dans la jeune nation.

© Agence France-Presse

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