Soudan du Sud: Les réseaux sociaux attisent les divisions ethniques

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Soudan du SudLes réseaux sociaux attisent les divisions ethniques

Dinkas contre Nuers: au Soudan du Sud, les réseaux sociaux attisent les tensions entre les deux plus importantes minorités du pays.

(FILES) Le vice-président du Soudan du Sud, Riek Machar (à gauche), et le président Salva Kiir (à droite) assistent à la messe solennelle présidée par le pape François (non visible) au mausolée John Garang à Juba, au Soudan du Sud, le 5 février 2023. (Photo par SIMON MAINA / AFP)

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Le président et le vice-président sud-soudanais sont respectivement issus de chacune de ces deux minorités, rapprochant un peu plus encore le pays d’une nouvelle guerre civile.

Les divisions entre les Dinkas, première ethnie du pays (35 à 40% de la population), et les Nuers, qui représentent 15% des Sud-Soudanais, selon des chiffres de la CIA, ont largement alimenté le sanglant conflit ayant ravagé le pays entre 2013 et 2018.

Le président Salva Kiir étant lui-même dinka et le vice-président Riek Machar nuer, l’éviction du second par le premier, deux ans après l’indépendance du Soudan du sud en 2011, avait donné une tonalité ethnique à la guerre civile qui allait démarrer. Et qui fit 400’000 morts et quatre millions de déplacés en cinq ans de combats.

Après quelques années de relatif apaisement, la question redevient toutefois brûlante, alors que des violences parties du Nord-Est se sont propagées ailleurs dans le pays, jusqu’aux portes de la capitale Juba.

Mercredi, Riek Machar a en outre été arrêté par des forces loyales à Salva Kiir, remettant largement en question l’accord de paix de 2018 ayant mis fin au conflit.

Deux vidéos ont tout particulièrement mis le feu aux poudres, explique à l’AFP Nelson Kwaje, président de l’ONG Digital Rights Frontlines. Dans la première, un général est tué par des membres de l’Armée blanche, une milice nuer accusée par le pouvoir de collaborer avec Riek Machar. La seconde montre un jeune, vraisemblablement dinka, être traîné au sol par des gens parlant le dialecte nuer.

Alors que l’armée loyale à Salva Kiir a tué 20 civils début mars lors de frappes aériennes sur le comté de Nasir (nord-est), où l’Armée blanche avait pris quelques jours plus tôt l’un de ses camps, des internautes pro-Dinka se sont réjouis en ligne d’une «vengeance contre les terroristes», raconte Nelson Kwaje.

Dans le même temps, des pro-Nuer dénonçaient un «génocide» contre ce peuple, alors que des photos de corps d’enfants gravement brûlés surgissaient sur les réseaux sociaux. L’ONU a dénoncé des bombardements indiscriminés contre des civils par des engins contenant un liquide «hautement inflammable».

«La polarisation est très claire», observe Nelson Kwaje, qui s’inquiète de «la désinformation et des discours de haine, très intenses, sur les réseaux sociaux». «Il y a des rumeurs d’assassinats, des discussions sur des représailles, des mises en garde», note-t-il.

Si beaucoup de publications sont spontanées, une partie des contenus est «coordonnée», ce qui se voit à la qualité des posts ou aux graphiques qui sont employés, observe l’expert.

Des acteurs, dont certains sont «politiquement motivés», veulent «provoquer des violences», affirme M. Kwaje, dans un pays où l’accès à des médias libres et de qualité est limité et la population tombe plus facilement dans le piège de la désinformation.

Le Soudan du Sud est aussi l’un des pays les plus pauvres du monde, et l’un des moins développés, avec un taux de pénétration des téléphone portables de 40 à 50% de la population et une utilisation des réseaux sociaux d’environ 10%, surtout dans les villes, les campagnes étant souvent hors réseau.

«Nous assistons à une vague très importante de désinformation, de discours de haine et d’appels à des actes de vengeance qui ne devraient pas avoir lieu», constatait vendredi sur X Florence Gillette, cheffe de la Croix-Rouge internationale au Soudan du Sud, qui craint un «risque d’ethnicisation de la violence».

Nelson Kwaje reste toutefois relativement optimiste, car le pays a selon lui avancé par rapport à 2013, quand la division tribale était très claire «dès le premier jour» de la guerre civile.

Aujourd’hui, «les jeunes sont conscients des dangers de la division selon des lignes tribales», estime-t-il. «Il y a beaucoup de messages de paix.»

«Mais ce qui pousse les gens à bout, c’est de partager des contenus montrant une personne de leur tribu maltraitée», remarque-t-il toutefois. «Que ce contenu soit factuel ou non, il vous radicalise immédiatement.»


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