Soudan: «L’armée a visé la liquidation des commandants des FSR, d’où leur faiblesse structurelle»

Au Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhan et le général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemetti » sont d’accord sur un point : pas de négociations, la guerre doit aller jusqu’au bout. Ces derniers jours, les Forces armées soudanaises du général Burhane ont remporté une victoire importante en chassant les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemetti de Khartoum. Pourquoi cette guerre continue-t-elle ? Décryptage avec le chercheur soudanais Suliman Baldo, fondateur du centre de réflexions Sudan Policy and Transparency Tracker.

RFI : pourquoi les Forces armées soudanaises ont-elles pris le dessus à Khartoum ?

Suliman Baldo : les Forces armées soudanaises ont été sur la défensive depuis le début de la guerre. Elles ont subi beaucoup de revers parce que l’armée soudanaise, au début de la guerre, n’avait pas des troupes, des soldats d’infanterie. L’infanterie de l’armée soudanaise, c’étaient les Forces de soutien rapide (FSR). Mais depuis le mois de septembre 2024, l’armée soudanaise a pu recruter des milliers de volontaires. Et il y a aussi des volontaires islamistes, des brigades djihadistes du mouvement islamiste soudanais qui se sont jointes à l’armée et qui ont été le fer de lance de cette armée dans cette offensive.

Alors, les Forces de soutien rapide n’ont pas seulement perdu Khartoum, elles ont dû se retirer aussi de Wad Madani. C’était il y a deux mois, au sud de Khartoum, et elles n’ont pas pu continuer d’assiéger El Obeid, c’est dans le Kordofan, au sud-ouest de Khartoum. Pourquoi cette série de défaites ?

La raison principale du côté des Forces de soutien rapide, c’est que c’est une force milicienne. C’est une force de milice Janjawid où la loyauté des combattants est pour leur chef, disons à cause des liens de clan, des liens tribaux. Et sur le terrain, l’armée soudanaise a visé la liquidation des commandants et cela a mené à une situation où les combattants se sont retrouvés sans liens directs avec leurs commandants. Et donc tout cela montre une faiblesse structurelle dans la formation des Forces de soutien rapide.

À lire aussiSoudan: suite aux revers des FSR, le centre du pays passe aux mains de l’armée

 

C’est-à-dire qu’en ciblant et en neutralisant les chefs de clans et les chefs de tribus, les Forces armées soudanaises ont affaibli les Forces de soutien rapide ?

Elles ont ciblé, disons, les chefs avec ciblage de drones, oui, mais aussi avec infiltration des Forces de soutien rapide. Il y a par exemple Dalaha, c’est l’un des plus récents. C’est quelqu’un qui a été très illustre dans les rangs des Forces d’intervention rapide et sa liquidation a beaucoup affaibli le moral de ces Forces.

Et ce chef de guerre, il a été assassiné où ?

C’était quelqu’un qui était dans le centre du Soudan, dans la région de la capitale. Et ses combattants disent que c’était un drone qui a visé son véhicule.

Son véhicule a été ciblé par un drone ?

Voilà, c’est ça !

À lire aussiSoudan: les FSR concèdent la perte de Khartoum, leur chef promet de revenir avec «une détermination plus forte»

À Wad Madani, au sud de Khartoum, les FSR ont commis des atrocités contre la population. Est-ce que c’est l’une des raisons pour lesquelles, elles ont perdu le contrôle de cette ville ?

Partout, où elles se sont déployées, les Forces de soutien rapide se sont attaquées à la population civile. Dans certains endroits, comme dans l’État de Darfour de l’Ouest, c’était un ciblage ethnique. Pour les Massalits par exemple, c’était des actions génocidaires qu’elles ont commise contre ces populations. Un comportement criminel. Et ce qui fait qu’elles n’avaient pas de soutien au sein de la population. Mais alors, au moment où l’armée soudanaise est arrivée à récupérer Al–Jazirah, et maintenant ça se passe aussi à Khartoum, il y a certaines unités de l’armée soudanaise qui s’adonnent au même type de comportement criminel, c’est-à-dire des escadrons de la mort, qui visent les populations de l’ouest du Soudan, du sud du Soudan, les Noubas par exemple, comme étant des collaborateurs des Forces de soutien rapide, et elles sont en train de les liquider dans des exécutions sommaires devant caméra !

Et cela se passe, dites-vous, dans l’État d’El-Jazirah, et notamment dans la ville de Wad Madani, au sud de Khartoum ?

Cela se passe aussi maintenant, au moment où on se parle, à Khartoum même. Ces brigades se sont montrées vraiment très systématiques dans la poursuite des soi-disant collaborateurs des Forces de soutien rapide.

Malgré sa défaite militaire de Khartoum, le général Hemetti affirme qu’il n’y aura ni retraite ni reddition. Mais est-ce qu’il a les moyens de continuer le combat ?

Alors, il y a deux choses, n’est-ce pas, Hemetti a fait ces affirmations, ces menaces, dans son adresse à l’occasion de l’Aïd el-Fitr. Le même jour, Al-Burhan a fait un discours similaire où il a dit : « Pas de négociations, pas de compromis avec les Forces de soutien rapide. On ira dans la guerre jusqu’à la fin ». Donc, les deux belligérants sont vraiment déterminés à continuer la guerre. Est-ce que les Forces de soutien rapide ont la force de continuer la guerre ? Leurs combattants, qui se sont retirés du centre du Soudan, sont intacts et donc les deux belligérants se préparent pour des nouvelles phases de combats.

À lire aussiSoudan: une Constitution de transition signée à Nairobi entre les paramilitaires et leurs alliés

Crédit: Lien source

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.