Moins d’un an après sa dernière sanction, l’agence a fait passer la note en «perspective négative».
Même si, à Bercy, on aime à dire que «ce ne sont pas les agences qui décident de notre politique économique», la nouvelle a dû faire grimacer quand elle a été reçue un peu plus tôt dans la journée. Ce vendredi, l’une des principales agences de notation, Standard & Poor’s (S&P), a décidé d’abaisser la perspective de la note française (AA-), la faisant passer de « stable » à « négative ».
À lire aussi
Finances publiques : la France sans trajectoire pour 2029, une situation inédite
Bercy a déclaré prendre «note» de cette décision dans un communiqué. «Son placement sous perspective négative rappelle l’ampleur du défi de redressement de nos finances publiques, défi que le gouvernement est déterminé à relever», a précisé le ministère. Avant d’ajouter : «La loi de finances pour 2025 témoigne d’un virage historique vers la résorption de nos déficits. Nous avons mis en place les mesures de contrôle et de pilotage nécessaires pour assurer l’exécution du budget 2025 et maîtriser l’endettement de notre pays».
Ce verdict était une sorte de baptême du feu pour la nouvelle équipe de Bercy. En effet, c’est la première fois que la France est évaluée depuis que le premier ministre a réussi à faire adopter, par le 49.3 en février, les budgets de l’État et de la Sécurité sociale, en évitant la censure, dans un paysage politique morcelé depuis la dissolution.
Pire des scénarios
En réalité, il est assez rare qu’une agence choisisse d’abaisser la note directement sans passer par une perspective négative. Il est également assez rare qu’elle décide d’abaisser une note moins d’un an après une dégradation. En effet, au printemps dernier, S&P avait déjà fait passer la note de la France de AA à AA-.
Ainsi, la décision de l’agence était le pire des scénarios plausibles pour le gouvernement, qui espérait justement que l’adoption du budget et sa promesse faite à Bruxelles de ramener le déficit public sous la barre des 3% du PIB d’ici 2029 suffiraient à inspirer la mansuétude des agences de notation. «Les agences prendront en compte la stabilité relative retrouvée de notre pays, alors que la dégradation récente était consécutive à la censure. La France a aujourd’hui un budget. C’était le camp de base pour gravir l’Himalaya», affirmait le premier ministre François Bayrou dans nos colonnes, à la veille du verdict.
Éric Lombard avait, pour sa part, tenu à rencontrer lui-même les agences afin de tenter de les convaincre du sérieux de la trajectoire budgétaire. En vain, visiblement.
À lire aussi
Dette: malgré le déficit, l’exécutif espère échapper à la dégradation par S&P
Malgré la déconvenue politique que cette décision représente, elle devrait cependant avoir un impact limité sur l’appétit des investisseurs pour la dette française. «Aujourd’hui, les décisions des agences de notation sont plutôt un enregistrement des comportements déjà adoptés qu’une vision prospective de la désirabilité du titre», analyse un expert.
Pour l’heure, la France dispose toujours d’un classement similaire dans les deux autres grandes agences, qui doivent toutes deux rendre leur verdict dans les prochaines semaines : AA- « négative » chez Fitch et AA3 « stable » chez Moody’s.
Pour ce qui est du reste de la «saison des notations», Adam Kurpiel, responsable de la stratégie taux chez Société générale CIB, s’attend à ce que la note de la France demeure stable pour toutes les agences, même si « Fitch devrait logiquement dégrader en premier, dans la mesure où ses méthodologies accordent beaucoup de poids au déficit (qui a atteint 6 % du PIB en 2024, NDLR). Mais elle devrait plus probablement faire ce choix plus tard dans l’année, ayant fait passer la perspective de stable à négative en octobre dernier. »
À lire aussi
Les notes secrètes de Bruno Le Maire sur le dérapage du déficit
En effet, les agences de notation examinent en premier lieu la capacité du pays à rembourser ses créanciers. Ainsi, la stabilité de la note, pour l’instant, n’efface en rien la situation budgétaire délicate dans laquelle la France se trouve, avec plus de 3300 milliards d’euros de dette et un déficit prévu à 5,4% du PIB en 2025.
Afin d’éviter un nouveau dérapage du déficit public par rapport aux prévisions, le ministre de l’Économie Éric Lombard a promis début février la mise en place «d’outils de pilotage budgétaire inédits», notamment en réunissant «les responsables de la dépense publique tous les mois afin de vérifier que le cadrage de la dépense publique est respecté». Avec Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, il doit présenter lundi un plan d’action pour améliorer le pilotage des finances publiques, qui s’inspire des conclusions des travaux d’un comité d’experts installé mi-novembre.
Crédit: Lien source