Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie : Demi-vérités | Gabonreview.com

 

L’Afrique tirerait-elle bénéfice d’une remise en cause de la Pax americana ? La signature du traité instituant la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) fut bien accueillie. C’est dire si les opinions publiques ne sont pas opposées à la mondialisation et ses corollaires.

 

Usant d’une rhétorique au confluent de l’anti-impérialisme, du panafricanisme et d’un afrocentrisme pas toujours maîtrisé, nombre d’Africains voient en Vladimir Poutine un rédempteur. © Gabonreview

 

Sans se lasser, les opinions publiques du continent l’ont proclamé : elles sont soupé du soutien de l’Occident aux dictatures. Confrontées au rejet d’une conception passéiste des relations internationales, les puissances occidentales ne peuvent plus continuer comme avant. Autrement dit, elles doivent intégrer les développements de ces derniers jours : usant d’une rhétorique au confluent de l’anti-impérialisme, du panafricanisme et d’un afrocentrisme pas toujours maîtrisé, nombre d’Africains voient en Vladimir Poutine un rédempteur. Au risque de sombrer dans la caricature, ils définissant le continent comme une entité homogène. Éludant la diversité des expériences, ils s’éloignent toujours un peu plus de l’approche constructive de l’histoire, comme dans l’Amérique des années 60. Niant ou triturant les faits, ils se gardent d’établir le lien entre le local et le particulier.

 

Le discours anti-impérialiste perdrait en résonance

 

Sur fond de mal-gouvernance, la guerre en Ukraine semble propice aux amalgames, demi-vérités et omissions. Dans ce contexte, les opinions supplantent les faits, les impressions tiennent lieu de déductions logiques. Ainsi l’ordre international est-il présenté comme une injustice. Et sa remise en cause comme une ardente nécessité. L’Afrique tirerait-elle bénéfice d’une telle éventualité ? N’en déplaise aux gogos de tout acabit, toute réforme de l’Organisation des Nations-unies (ONU) tiendrait forcément compte des rapports de force militaires et économiques. Une évolution de la mondialisation ? Elle serait nécessairement déterminée par quatre facteurs : échanges commerciaux, traités ou accords internationaux, réseaux ou circuits de distribution et, migrations internationales. Quant à la géopolitique, elle aborderait toujours les mêmes enjeux : croissance démographique, promotion de certaines langues (Anglais, Arabe, Chinois, Espagnol, Français, Russe), accès aux ressources naturelles et, prévention des menaces.

 

A moins d’un improbable retournement de situation, tout reprofilage du Conseil de sécurité de l’Onu se ferait au bénéfice de pays déjà identifiables : l’Inde, le Pakistan et, dans une moindre mesure, le Brésil. Sauf par extraordinaire, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le Fonds monétaire international (FMI) ne peuvent évoluer sans servir les intérêts des Pays-Bas, de la Corée du Sud et du Canada. Mieux, si les équilibres géopolitiques venaient à bouger, ce serait à l’avantage de la Turquie, du Mexique ou de l’Arabie saoudite. En aucun cas, une remise en cause de la Pax americana ne se traduirait par une montée en puissance ou, tout au moins, une pleine émancipation de l’Afrique. Bien au contraire. Le discours anti-impérialiste perdrait en résonance. Comme les diatribes contre l’Onu et ses agences, les attaques contre l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) ou le système financier international ne feraient plus sens. Il en irait de même pour les luttes pour la justice économique, la promotion des valeurs démocratiques et des droits humains. Après tout, la Russie n’est ni une organisation caritative ni une authentique démocratie, encore moins, un Etat de droit.

 

Intangibilité des frontières, coexistence pacifique : deux principes fondamentaux

 

Même si l’Union africaine (UA) marche mal, les opinions publiques gagneraient à en défendre les objectifs, notamment la protection des droits humains, la prévention des conflits et, la promotion du libre-échange. Vu sous cet angle, le soutien à l’invasion de l’Ukraine s’explique difficilement. Comment défendre les droits fondamentaux quand on se satisfait d’une violation du droit international ? Ou quand on justifie une injustice par une autre ? Comment garantir la paix quand on s’accommode de la négation de la souveraineté d’un État et de son peuple ? Ou quand on se félicite d’une guerre au coût humain incalculable ? Comment combattre la mondialisation quand on défend la libéralisation des échanges de biens et services ?

 

Pour l’heure, la signature du traité instituant la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) fut bien accueillie. C’est dire si les opinions publiques ne sont pas foncièrement opposées à la mondialisation et ses corollaires. Or, ni la Russie ni la Chine n’évoluent en dehors de ce système mondialisé si décrié Tout bien considéré, elles en sont même des maillons importants voire des éléments structurants. Pourquoi les Africains devraient-ils faire mine de ne pas le savoir ? Par ressentiment envers la France et sa politique africaine ? Ou pour faire payer à l’Occident ses crimes ? Mais, la Russie n’a pas vocation à jouer les justiciers. Encore moins à décider de la destinée des pays africains. De même, les Ukrainiens ne sauraient servir de sacrifice expiatoire. Intangibilité des frontières héritées de la coloniale, coexistence pacifique : tels sont les deux principes fondamentaux de l’UA. Y demeurer fidèle reste la seule option viable.

 


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