Tchad: au poste frontière d’Adré, les destins brisés et les vies oubliées des réfugiés soudanais [1/3]
Au Soudan, la guerre civile qui ravage le pays depuis avril 2023 a provoqué l’exode de 9 millions de personnes, selon le HCR. Plus de 600 000 d’entre elles ont fui au Tchad voisin, qui a également enregistré le retour de plus de 180 000 rapatriés tchadiens. Ces réfugiés rejoignent un contingent de plus d’un demi-million de Soudanais qui avaient fui lors du précédent conflit au Darfour en 2003-2004. Alors comment se passent la fuite du Soudan et l’accueil des réfugiés au Tchad ? Comment faire face à un tel afflux ? Reportage au poste frontière d’Adré, dont partent des marchandises de premières nécessités et où arrivent des réfugiés.
De notre envoyé spécial à Adré,
Ce matin, comme tous autres matins à Adré, des centaines de réfugiés exténués, traumatisés, font la queue pour être enregistré au CNARR, la Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés. Mahamat travaille pour cet organisme tchadien dans ce poste frontière qui sépare le Tchad et le Soudan. « Ce matin, j’ai vu des femmes avec des enfants mineurs. Ils disent que là-bas, il a l’insécurité totale, il n’y a pas de paix. Quand tu vois quelqu’un en face de toi, qui est en train de pleurer, qui a été agressé par des hommes, qui est victime de viol… C’est inhumain », soupire-t-il.
Les femmes et les enfants représentent près de 90 % des réfugiés soudanais. C’est pourtant un jeune homme que nous présente Mahamat. « Voilà, ce matin, on a reçu ce monsieur. Il a reçu un éclat pendant un bombardement au Soudan », explique-t-il. « L’attaque a eu lieu le soir, c’est-à-dire après la prière. Il y a eu des morts, il y a eu des blessés, il y a eu des gens qui sont fracturés, il y a eu des gens qui ont perdu leurs jambes. C’était un pillage », témoigne le jeune homme blessé.
Des hommes blessés, des femmes violées, des destins brisés. Difficile, dans ce contexte, d’organiser la cohabitation. « Le conflit au Soudan, c’est un conflit politique, mais cela s’est transformé en conflit ethnique. Un conflit entre les arabes et les masalits. Et pour éviter que le conflit se prolonge ici, dans le camp, on les sépare », explique Ali Djimé, manager d’un camp d’Adré.
Les Arabes sont donc envoyés dans les camps situés près d’Abéché. Les autres vers Farchana, situé à 50 km à l’ouest d’Adré. On retrouve Mahamat en compagnie de quatre femmes soudanaises : « Ils disent qu’elles sont Soudanaises. Elles sont arrivées au Tchad, mais elles retournent encore là-bas parce que leurs familles se trouvent derrière, là-bas. Elles ne peuvent pas rester », traduit-il.
Bravant la peur et le danger, certains retournent au Soudan pour des raisons familiales. Les autres restent au Tchad dans des conditions très précaires. Le retrait de l’aide américaine a eu des conséquences dramatiques. Des projets d’irrigation ont été stoppés net, tout comme le soutien psychologique aux réfugiés. « On lance un appel à tous les bailleurs pour pouvoir prendre en charge ces réfugiés qui sont vraiment dans la détresse », rappelle Ali Djimé. Un SOS pour les victimes d’un conflit oublié.
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