On annonce depuis 20 ans l’arrivée imminente de l’informatique quantique. En attendant la révolution promise, la technologie continue de progresser, comme en fait foi le réseau canadien de communication quantique Kirq, qui est enfin opérationnel.
« À Montréal et Sherbrooke, le réseau est déjà en service », explique le PDG de Numana, François Borrelli. Numana est un organisme à but non lucratif issu du secteur technologique québécois qui a reçu le mandat de superviser le déploiement de ce réseau. « Nous sommes en train de finaliser la portion de Québec. Là-bas, nous aimerions intégrer d’autres technologies de réseau, comme un lien satellite et des échanges longue distance. »
Le réseau de communication Kirq n’est pas du quantique pur jus. Annoncé en octobre 2023 par le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie de l’époque, Pierre Fitzgibbon, ce réseau, réalisé au coût de plus de 10 millions1, est davantage un réseau de fibre optique classique sur lequel on a appliqué des éléments de quantique. Un « hybride », explique François Borrelli.
Il faut dire que la technologie reste en bonne partie à inventer. C’est un peu le rôle de ce projet, présenté par Numana comme un banc d’essai « qui n’est pas enfermé dans un laboratoire ».
« Nous utilisons de vrais réseaux de télécommunications (ceux de Bell et Telus), qui viennent avec leurs qualités et leurs défauts », poursuit François Borrelli. « Il y a beaucoup de choses à développer, y compris des composants matériels, pour que ça fonctionne dans le vrai monde. »
Le risque quantique
Le nom du réseau, Kirq, serait un clin d’œil à l’amiral James T. Kirk, de la saga spatiale Star Trek. Peut-être sans le savoir, les responsables du réseau donnent ainsi un indice du potentiel, à terme, de cette technologie.
Il est effectivement question, en théorie du moins, de voir apparaître un jour ce que les experts appellent de la « téléportation quantique », qui semblera familière aux Trekkies même s’il ne s’agit pas de dématérialiser puis de rematérialiser ailleurs dans l’univers des objets physiques, voire des êtres vivants.
Il est plutôt question d’échanger de l’information instantanément sur d’énormes distances en reproduisant le même état quantique à différents endroits sur le réseau.
Kirq n’en est pas là, même s’il a commencé à accueillir depuis septembre dernier des projets issus des secteurs industriels, en plus des projets de recherche académique ou ceux issus du secteur des jeunes pousses.
Dans tous les cas, on semble surtout s’intéresser aux enjeux de sécurité. Car il y a une course internationale pour développer l’infrastructure quantique le plus tôt possible, d’abord pour profiter de ses avancées sur le plan de la puissance et de l’efficacité, mais aussi et surtout pour se préparer à ce que les experts appellent le « risque quantique »2.
Ce risque, c’est tout ce qui touche à la sécurité des systèmes informatiques. On illustre souvent la puissance du quantique en indiquant qu’il sera capable de déjouer en quelques secondes même les clés de chiffrement les plus complexes actuellement en service.
Inversement, les systèmes qui adopteront la technologie quantique seront, eux, impénétrables par des tiers qui n’en détiennent pas la clé. Forcément, les entreprises des secteurs économiques stratégiques se sentent aussitôt concernées, explique le PDG de Numana.
« Dès la première annonce de la construction du réseau, on a reçu des appels », dit-il. Des entreprises comme des banques ou des sociétés d’assurance voient l’importance de suivre l’évolution de cette technologie. « C’est une menace. On ne sait pas quand le quantique deviendra réalité, mais comme on a eu la crainte de l’an 2000 à l’époque, on risque d’avoir un moment quantique un jour. »
Dans un contexte géopolitique où la méfiance est à son paroxysme, le Québec et le Canada ont raison de développer leur propre infrastructure, conclut François Borrelli.
« En termes d’investissement, on ne se compare pas aux États-Unis ou à la Chine, mais on doit investir dans la technologie quantique. Le Canada n’est plus le leader des télécommunications qu’il a déjà été, mais c’est peut-être une occasion de le redevenir dans le futur. »
Un futur imminent… toujours et plus que jamais.
1. Lisez l’article « Feu vert de 10 millions à un “réseau québécois de communication quantique” »
2. Lisez l’article « Le génie inquiet »
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