« Tradwife », la vie rêvée des femmes au foyer


Elles préparent des mets délicieux, arborent une apparence soignée, maîtrisent leur maquillage à la perfection, se dévouent à satisfaire leur conjoint, veillent à ce que leur intérieur soit maintenu en ordre et agrémenté d’une décoration raffinée, tout en ayant la joie d’élever une nombreuse progéniture. Bienvenue dans le monde de la tradwife (contraction de l’anglais « traditional » et « wife », le terme en français peut se traduire par « épouse traditionnelle »), une tendance à la hausse sur les réseaux sociaux. Dévouées à leurs maris, ces femmes n’ont pas d’emploi et consacrent tout leur temps à s’occuper de leur foyer. Le mariage est l’un des piliers de leur philosophie. Et pour qu’il fonctionne à merveille, cultiver sa féminité est essentiel.

Le journal du soir

Tous les soirs à 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Merci !
Votre inscription à bien été prise en compte avec l’adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Sur fond de cuisine rétro, affublée de son tablier à froufrous rose bonbon, la blonde pulpeuse Estee Williams, une Américaine de 25 ans, dévoile à ses milliers d’abonnés sur TikTok et Instagram comment devenir une tradwife. Elle se présente face caméra, incroyablement apprêtée, une peau d’apparence parfaite, brushing sophistiqué, et robe corsetée des années 1950. D’un ton sérieux, la pin-up explique les rudiments de l’épouse modèle : bien choisir son mari, en valorisant des qualités telles que la protection, la masculinité, la virilité, la répartition traditionnelle des rôles, et une foi partagée. Elle aspire à embrasser consciemment les rôles « genrés », tels que la femme dédiée aux tâches culinaires et ménagères, l’art de recevoir avec élégance, cultiver une passion comme l’illustre son engouement pour la couture et maîtriser les subtilités de la mise en beauté. L’homme se consacrant, lui, à son travail.

Comment ce phénomène a-t-il vu le jour ?

Le mouvement a émergé aux États-Unis dans les années 2010 et a connu un regain d’intérêt lors de la campagne qui a conduit Donald Trump à la présidence en 2016, lorsqu’un groupe de femmes a réinterprété son slogan de campagne pour en faire le mantra « Make Traditional Housewives Great Again » (« Rendez leur grandeur aux femmes au foyer traditionnelles »). Plus tard, avec l’essor du mouvement #MeToo dénonçant les violences sexuelles, les tradwives adoptent une position opposée aux mouvements féministes en se revendiquant « féminines, mais pas féministes ». Par exemple, elles affirment choisir librement de ne pas travailler, ce qui ferait d’elles de « vraies féministes ». Alors que le féminisme induit le concept de « charge mentale » qu’elles subissent et prône l’émancipation, ces influenceuses contredisent la tendance en s’appuyant sur les outils de communication modernes et plaident pour que les désirs masculins prévalent sur tout le reste à travers un discours parfois réactionnaire et parfaitement maîtrisé.

Le mouvement nostalgique des années 1950 est aussi bien représenté au Royaume-Uni avec Alena Kate Pettitt et sa chaîne YouTube « Darling Academy ». Elle confie son choix de se consacrer à son foyer, et exprime son désaccord avec le concept de « girl boss ». « Je vois des femmes s’éloigner de leurs racines pour rivaliser avec les hommes », explique-t-elle. Sa démarche consiste à « exploiter le meilleur de ce qui a fait la grandeur de la Grande-Bretagne à une époque où l’on pouvait laisser sa porte d’entrée ouverte. Les temps changent et nous ne connaissons plus l’identité de notre pays », renchérit-elle, traduisant une forme d’anxiété du monde moderne, dangereux et anxiogène selon son opinion.

« Réassignation des femmes à la sphère strictement domestique »

En France, le phénomène préoccupe. Dans son rapport annuel sur le sexisme présenté le 22 janvier, le Haut Conseil à l’égalité exprime des inquiétudes sur la « réassignation des femmes à la sphère strictement domestique » et cite le succès des influenceuses dites «  tradwives  » sur les réseaux sociaux. Au cours du XXe siècle, les femmes ont acquis de nombreux droits, notamment en ce qui concerne l’égalité devant la loi, le droit de vote, l’autonomie sur leur corps, l’égalité au travail et au sein de la famille. Les femmes qui se revendiquent de ce mouvement ne sont pas nécessairement en désaccord avec les avancées sociales depuis 1945, mais elles font le choix libre de suivre un modèle de vie différent. Du fait de leurs convictions conservatrices ou religieuses, certaines d’entre elles sont opposées à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la considérant comme en désaccord avec leurs principes moraux ou religieux. L’inscription historique de l’IVG dans la Constitution française constituerait une mesure préventive pour éviter tout retour en arrière.

Le Haut Conseil à l’égalité met également en garde contre le fait que les jeunes sont influencés par ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux et en adoptent certains comportements, bien qu’ils ne reflètent souvent qu’une facette idéalisée de la réalité. Malgré les apparences parfaites pouvant suggérer une vie idyllique, une question se pose : leur vie réelle en dehors de la sphère des réseaux sociaux est-elle tout aussi plaisante et agréable qu’elles le laissent paraître ?


Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.