« Les colonies sont faites pour être perdues. Elles naissent avec la croix de mort au front. » (Don Alvaro dans « Le Maître de Santiago », Henry de Montherlant, 1947).
Avec la récente flambée de violence en Nouvelle-Calédonie, la question que l’on ose rarement poser revient d’actualité : la France est-elle le dernier État colonial des pays occidentaux ?
Il était beau le planisphère de notre enfance affiché dans nos écoles. En bleu, les colonies françaises, en rouge, les colonies anglaises et, plus discrètement, dans d’autres couleurs, les colonies portugaises en Afrique (Angola, Mozambique, Guinée Bissau), en Asie (Goa, Macao) et en Mélanésie (Timor) et, encore plus discrètement, les restes des ex-empires coloniaux comme l’Espagne ou les Pays-Bas (Indonésie, Guyane hollandaise, Antilles néerlandaises). Toutes ces possessions occidentales ont disparu au fil de l’Histoire, les anciennes colonies britanniques à commencer par l’Inde, ou les anciennes colonies hollandaises et, plus récemment, avec la Révolution des Œillets, les colonies portugaises. Toutes sauf celles que Jean-Claude Guillebaud avait judicieusement appelées « les confettis de l’Empire » dans un livre ainsi intitulé et publié au Seuil en 1975. Dans ce livre, le journaliste du Monde posait carrément la question : « En 1975, la France serait-elle la dernière puissance coloniale du monde ? ».
La France avait connu plusieurs vagues de décolonisations, ou plutôt de pertes de son ex-empire : le Liban et la Syrie en 1943, l’Indochine après le désastre militaire de Dien Bien Phu en 1954, le Maroc et la Tunisie en 1955-56, la plupart des pays du continent africain en 1960 et, bien sûr, l’Algérie en 1962 à l’issue d’une guerre qui, longtemps, ne voulut pas dire son nom. Mais pour le citoyen lambda, cette indépendance algérienne scellait la période coloniale de la France. C’était faux bien sûr, car, dans les années 1970, sous la présidence de Giscard d’Estaing, d’autres territoires devenaient indépendants comme Djibouti, les Comores (moins Mayotte) ou le condominium franco-britannique des Nouvelles Hébrides (aujourd’hui nommé Vanuatu). Ce mouvement de décolonisation encouragé par l’Onu était général avec les multiples indépendances tout autour de ce que l’on appelait les DOM-TOM, les départements et territoires d’Outre-Mer français, par exemple la Barbade, la Guyana, le Surinam, Fidji et plusieurs îles du Pacifique ex-possessions anglaises ainsi que, nous l’avons dit, les ex-colonies portugaises.
« L’orgueil national-français d’une présence sur tous les océans du monde pour se donner l’illusion d’être encore une grande puissance se fracasse sur une réalité, la réalité d’un état colonial et jacobin incapable de se réformer. »
Seul contre-exemple : la France, qui s’accroche à ses confettis aux Antilles, en Guyane, à La Réunion, en Polynésie et donc en Nouvelle-Calédonie. On peut dire s’accrocher en dépit du droit international et des nombreuses résolutions de l’Onu dénonçant par exemple la présence française à Mayotte où la situation déjà explosive devient aujourd’hui ingérable. Seize résolutions de l’Onu exigent le retour de Mayotte aux Comores. La France n’en a respecté aucune. Aujourd’hui, c’est en Nouvelle -Calédonie que la situation s’envenime. Les accords dits de Matignon puis de Nouméa n’ont rien réglé. Cela n’a fait que retarder un processus inévitable : l’orgueil national français d’une présence sur tous les océans du monde pour se donner l’illusion d’être encore une grande puissance se fracasse sur une réalité, la réalité d’un État colonial et jacobin incapable de se réformer en envisageant, par exemple, une solution d’une indépendance d’un État associé comme l’est Porto Rico par rapport aux États-Unis ! Cela est impensable aux yeux de nos tenants d’un colonialisme d’un autre âge condamné à disparaître tôt ou tard. L’envoi de la troupe en Nouvelle-Calédonie n’y fera rien. Là aussi, comme dans d’autres parties du monde, la solution ne peut qu’être politique. Il faut dénoncer ceux qui veulent faire un petit remake de la guerre d’Algérie. Qu’ils le veuillent ou non, dans quelques années, la Kanaky sera libre. C’est le sens de l’Histoire.
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.