Les promesses des coups d’Etat ne sont pas tenues, à commencer par le péril sécuritaire, que les putschistes ont agité comme un épouvantail pour justifier l’éviction de chefs d’Etat élus, mal élus mais élus quand même. Un partenaire étranger – la Russie – en a remplacé un autre – la France – sans que rien ne change dans les faits au Niger, au Burkina Faso et au Mali. Et l’annonce tonitruante de la naissance de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) n’a pas fait bouger d’un iota le destin des populations, fréquemment endeuillées par les djihadistes. Quoi qu’en dise la Russie si ses troupes sont en Afrique c’est surtout pour sécuriser les pouvoirs en place – et les intérêts de Moscou – qui ont une peur bleue des populations. Tous les putschistes du monde vivent dans cet inconfort moral, cette crainte permanente de subir le sort qu’on a infligé aux autres. Par contre sur le plan économique il y a des mouvements au Sahel, mais pas nécessairement dans le sens où on l’attendait.
Le Mali donne l’exemple, le mauvais
Le péril économique faisait partie des griefs formulés par les militaires pour justifier le coup d’arrêt de l’ordre institutionnel. Mais des années après est-ce que les putschistes ont réussi là où les présidents déchus avaient prétendument échoué ? Rien n’est moins sûr. Le moins qu’on puisse dire est que la situation est bigarrée et il y a des disparités entre les membres de l’AES. Trois coups d’Etat, trois destins différents…
D’abord celui qui a ouvert le bal funeste des putschs en Afrique de l’Ouest : le Mali. Rien n’a changé sous le soleil, à part la crispation croissante du colonel Assimi Goïta autour de la fin de la Transition, dont le délai a expiré. La junte a musclé le jeu en bâillonnant la jeunesse et en gelant toute activité politique pour que personne ne parle de retour à l’ordre constitutionnel, d’élection et de restitution du pouvoir aux civils. Pour le reste le colonel fait comme le pouvoir qu’il a écarté : il tape à la porte du FMI pour donner à manger à sa population. Ce n’est pas ce qu’il avait promis.
Idem pour le Niger, lui aussi cherche ailleurs les moyens de sa subsistance. Il ne traite peut-être pas avec le FMI – pas encore -, mais Niamey aussi a dû revoir ses ambitions à la baisse. Après avoir officiellement divorcé avec la CEDEAO on pouvait s’attendre à ce qu’il boude le marché régional où le pays se finançait. La junte nigérienne a fermé la porte un moment puis l’a rouverte en émettant dernièrement des obligations sur le marché UMOA-Titres : 747 millions de dollars collectés auprès des bailleurs. Exactement le même chemin que prenait le président destitué, Mohamed Bazoum.
Le capitaine Traoré mène très bien sa barque
Le Burkina Faso est le seul à ne pas avoir sollicité la main étrangère, à part celle des investisseurs. Ouagadougou voulait s’aventurer sur le marché régional dès janvier 2024, pour ramasser 35 milliards de FCFA, mais a gelé le projet par crainte de déconvenues suite aux bruits sur la sortie du Franc CFA. Alors le président de la Transition, le capitaine Ibrahima Traoré, a misé sur les ressources du pays et il s’en sort très bien jusqu’ici…
La douane a engrangé 262,22 milliards FCFA (427 millions de dollars) de recettes au premier trimestre 2024, a rapporté l’Agence d’information du Burkina le 29 avril dernier. C’est un taux de recouvrement phénoménal de 100,38%, en comparaison avec les 261,22 milliards FCFA programmés au départ. Et puis il y a les bonnes prévisions du Fonds monétaire international (FMI). D’après lui les perspectives économiques du pays restent positives, surtout après les réformes entreprises par la Transition.
Parmi ces réformes il y a les décisions fortes pour muscler l’industrie locale et faire en sorte qu’elle transforme sur place les matières premières ; il y a aussi la révision du Code minier pour grossir la part du pays dans les partenariats avec l’étranger. Avec tout ça le Burkina Faso se met sur orbite pour s’imposer en 2024 comme la 4e économie de la zone CFA, avec un PIB (produit intérieur brut) de 21,9 milliards de dollars (à prix courant) contre 20,3 milliards de dollars en 2023.
Par ailleurs la Direction générale des douanes du Burkina Faso table sur 1106,2 milliards FCFA (1,8 milliard de dollars) de recettes pour l’exercice budgétaire 2024, une hausse de 10,62% par rapport à la précédente année. A ajouter à un climat social et politique beaucoup plus apaisé que dans le voisinage. Au Burkina on ne harcèle pas la junte pour qu’elle cède le pouvoir aux civils. Donc ça roule pour le capitaine Traoré… pour le moment.
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