Dakar, le 3 juillet 2024 – Les autorités burkinabè doivent tout mettre en œuvre pour retrouver les journalistes disparus Serge Atiana Oulon, Kalifara Séré et Adama Bayala, assurer leur sécurité, et s’abstenir de censurer les médias, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.
En juin, au moins trois journalistes burkinabés ont disparu dans des circonstances suspectes dans la capitale Ouagadougou.
À la mi-juin, le Conseil supérieur de la communication (CSC) a suspendu temporairement trois médias :
- l’émission « 7 Infos » sur la chaîne de télévision privée BF1 ;
- le journal bimensuel privé L’Événement ;
- la chaîne mondiale francophone TV5 Monde.
Depuis que le président de transition, Ibrahim Traoré, a pris le pouvoir lors d’un coup d’État militaire en 2022, le CPJ a documenté une détérioration de la liberté de la presse au Burkina Faso, y compris des suspensions de médias, des expulsions de correspondants étrangers et des tentatives de réquisitionnement de journalistes critiques.
« Les autorités burkinabè doivent tout mettre en œuvre pour retrouver les journalistes disparus Adama Bayala, Serge Atiana Oulon et Kalifara Séré, assurer leur sécurité, et veiller à ce que les professionnels des médias au Burkina Faso puissent travailler sans que leurs reportages critiques ne soient censurés », a déclaré Angela Quintal, responsable du programme Afrique du CPJ, à New York. « Le climat de peur dans lequel vivent les journalistes au Burkina Faso compromet la capacité du public à s’informer et à comprendre la manière dont il est gouverné, alors que l’insécurité augmente dans le pays. »
Les journalistes portés disparus sont :
- Adama Bayala, chroniqueur qui intervenait fréquemment dans l’émission de BF1 « Presse Echos », a été vu pour la dernière fois quittant son bureau dans son véhicule dans l’après-midi du 28 juin. Une personne proche de Bayala, qui s’est entretenue avec le CPJ sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité, a déclaré que Bayala était malade, qu’il recevait régulièrement un traitement médical et qu’il devait suivre un régime strict. Cette personne a ajouté que la voiture du journaliste n’avait toujours pas été retrouvée.
L’incident s’est produit après la décision du CSC du 19 juin de suspendre pour une période d’un mois la publication et la distribution en ligne de L’Événement, y compris sur ses réseaux sociaux, suite à un article d’Oulon faisant suite à une enquête de décembre 2022 sur le détournement présumé de fonds destinés aux auxiliaires civils de l’armée. L’Événement a annoncé dans un communiqué publié le 20 juin sur Facebook qu’il contesterait la décision devant les tribunaux.
Traoré a critiqué l’enquête sur les détournements de fonds de L’Évènement dans une interview accordée en février 2023 à la chaîne de télévision nationale RTB, affirmant que le média ne disposait pas des « bonnes informations » ou était de « mauvaise foi », et que l’article avait instauré un « climat de méfiance » entre les soldats et les volontaires de l’armée.
- Kalifara Séré, commentateur de BF1, n’a pas été vu depuis qu’il a quitté les bureaux du CSC dans la soirée du 18 juin, selon une personne proche du dossier et un membre de la famille de Séré, qui se sont tous les deux entretenus avec le CPJ sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité.
Ces sources ont déclaré au CPJ que Séré s’est rendu au CSC dans le cadre de la procédure ayant mené à la suspension par le régulateur de l’émission « 7 Infos » de BF1 pendant deux semaines pour avoir rediffusé les propos tenus par Séré à l’antenne le 16 juin mettant en doute l’authenticité des images de Traoré diffusées par la RTB, selon la décision du régulateur du 19 juin et un communiqué de BF1.
La police avait interrogé Séré plus tôt ce 18 juin au commissariat régional de la localité de Wemtenga, à Ouagadougou, au sujet d’une plainte en diffamation déposée par Désiré Nezien, directeur du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), en lien avec ces propos du 16 juin.
Par ailleurs, le 18 juin, le CSC a ordonné la suspension pour six mois de la diffusion de TV5 Monde et a condamné la chaîne à une amende de 50 millions de francs CFA (81 550 dollars) après la diffusion d’une interview du journaliste burkinabé en exil Newton Ahmed Barry sur la situation sécuritaire dans le pays.
Gildas Ouédraogo, directeur des communications du CSC, a déclaré au CPJ par le biais d’une application de messagerie qu’il sollicitait l’autorisation de sa hiérarchie de répondre aux questions.
Les appels et les messages du CPJ au porte-parole du gouvernement, Jean Emmanuel Ouédraogo, sont restés sans réponse. Les appels du CPJ au numéro public du CNTS, de la police nationale et de la gendarmerie sont également restés sans réponse.
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