TRT Global – La fin de l’aide humanitaire américaine, une catastrophe pour Haïti

Lors de son arrivée à la Maison Blanche le 20 janvier 2025, le président Donald Trump a signé un décret ordonnant le gel de l’aide étrangère américaine. Ce lundi 10 Mars, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a donc annoncé la suppression de 83% des programmes de l’agence de développement USAID ;démantelant ainsi l’agence américaine pour le développement international qui représentait, à lui seul, 42% de l’aide humanitaire mondiale. Cette décision impacte fortement Haïti déjà en proie à une crise humanitaire aiguë.

Haïti dépend pour une large part du soutien international. L’aide humanitaire accordée au pays s’est élevée à 420 millions de dollars, soit environ 400 millions d’euros en 2024.  Une somme qui équivaut à 17% du budget national, adopté en fin septembre 2024 par le gouvernement haïtien pour la période 2024-2025. 

Les États-Unis, le principal pourvoyeur d’aide à Haïti

La responsable de l’Unicef pour Haïti, Geetanjali Narayan, qui participait au point de presse tenu, le 28 février 2025 à Genève, a souligné à quel point l’aide des États-Unis était vitale pour le pays : « L’impact en Haïti, dans un pays si touché par le conflit, la violence et la pauvreté, est extrême et immédiat. Cela se passe en ce moment ». Selon l’Organisation des Nations unies, le financement des programmes humanitaires en Haïti a été couvert à 60%, en 2024, par les fonds américains.

L’assistance humanitaire d’urgence, les programmes de santé, les hôpitaux et autres sont donc aujourd’hui quasiment tous à l’arrêt. « Plusieurs établissements de soins de santé en Haïti éprouvent déjà beaucoup de difficultés à poursuivre leurs services, en raison de la suspension brusque de l’aide américaine », ajoute Geetanjali Narayan.

C’est le cas de l’Hôpital public Immaculée Conception (HIC) de Port-de-Paix, spécialisé dans la prise en charge des personnes atteintes de tuberculose. Le centre hospitalier a dû suspendre le contrat de travail d’une partie de son personnel soignant. Une situation que déplore le docteur Gulnes Saint-Phard, directeur de l’HIC. Joint au téléphone par TRT Français, le médecin dit craindre « la recrudescence de cette maladie dans le pays ».

Par ailleurs, les organismes œuvrant dans la lutte contre le VIH en Haïti s’inquiètent eux aussi. “Cette décision risque de paralyser la lutte pour stopper la propagation du virus. C’est une menace supplémentaire pour plus de 125 000 haïtiennes et haïtiens vivant avec la maladie, qui étaient déjà affaiblis par la situation instable en Haïti”, explique à TRT Français, Édouard Dieufait, président de la FEDHAP (la Fédération haïtienne des associations des Pvvih (Personnes vivant avec le VIH).

Le gel de l’aide américaine  fragilise davantage les plus précaires

La décision de l’administration Trump touche directement les populations les plus vulnérables en Haïti. En proie aux violences des gangs, « 60 000 personnes ont été déplacées entre le 14 février et le 5 mars 2025 « , selon l’OIM (Organisation internationale pour les migrations). “La violence entre les gangs est sans fin. Nous n’avons jamais été témoin d’un tel déplacement de population en un temps si court”, déclare Grégoire Goodstein, chef de l’OIM à Haïti. 12 nouveaux campements de déplacés ont vu le jour en quelques semaines. Aujourd’hui à Haïti, plus d’un million de personnes sont déplacées, parfois sans abris. Ce chiffre a été multiplié par trois en une année.

Depuis plusieurs années, des milliers de personnes sont prises à partie par les gangs armés « Viv ansanm » qui contrôlent 85% de la capitale Port-au-Prince. Victimes de viols, d’assassinats et d’autres exactions pour la plupart, elles ont dû fuir des quartiers comme Martissant, Solino Carrefour-Feuille, Chris-Roi, Nazon (Commune de Port-au-Prince) ; Delmas 24, Delmas 30 (Commune de Delmas), ou encore Kenskofff, Metivier, Corvette (Petion-Ville), etc.

Contraints d’abandonner leurs demeures, les déplacés se retrouvent soit chez des proches, dans des camps de fortune ou directement à la rue. Selon le dernier rapport du conseil de coordination de camps, publié le 14 février 2025 : “la moitié des personnes déplacées a trouvé refuge auprès de proches en familles d’accueil, et l’autre moitié est accueillie dans 31 sites dont 27 qui existaient déjà avant ces incidents et 4 nouvellement créés”. 

États-Unis, Trump lève le statut particulier des Haïtiens

L’administration américaine a annoncé jeudi que le statut de protection temporaire dont bénéficiaient les Haïtiens, sera levé début août. Ce statut particulier devait être valable jusqu’en février 2026.

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TRT Français a réussi à recueillir les témoignages de personnes déplacées. Ce fut difficile, certains ont même changé d’avis au dernier moment par peur. Pour Mario [nom d’emprunt], responsable du camp des réfugiés (OPC Office de la protection du citoyen), la suspension de l’aide américaine « est une décision catastrophique ». “Jusque-là on avait l’aide bien qu’insuffisante des ONG. Mais maintenant tout est à l’arrêt. Des centaines de personnes dont des femmes et des enfants vont mourir de faim. Le gel de l’aide des États-Unis « vient fragiliser davantage un pays déjà agonisant », conclut-il. Il ajoute qu’il n’a pas de solution de remplacement, aucune ONG ne peut remplacer le soutien de USAID.

La faim menace les Haïtiens

Gertrude [nom d’emprunt], est réfugiée dans le camp OPC. Cette femme raconte comment elle a dû quitter sa maison. Elle ne se rappelle pas la date exacte de sa fuite hors de son quartier mais elle se souvient des gangs qui sont arrivés et ont mis le feu à des habitations : “J’ai entendu des tirs alors on est parti. J’ai tout perdu. Je n’ai personne et je n’ai nulle part où aller. Pour manger, je comptais sur le ratio alimentaire qu’on distribuait une fois sur deux ici. Mais maintenant… c’est foutu”, soupire-t-elle résignée. Elle se dit être totalement abandonnée. Et sans l’aide des ONG, elle “ne pourra plus suivre”.

La situation est encore plus difficile pour Emmanuel [nom d’emprunt], 16 ans. Orphelin de père et de mère, tous deux tués par des bandits à Solino [un quartier populaire de Port-au-Prince], l’adolescent se retrouve à présent à la rue dépourvu de tout. “J’ai plus de vie. Ils m’ont volé tout ce que j’avais de plus précieux au monde. Tout est fini pour moi.”, se confie-t-il en pleurs, presque incapable de parler. Il n’est plus scolarisé, n’a pas de travail et est incapable de dire s’il lui reste une quelconque famille. Il ne sait pas comment il va pouvoir se nourrir.

Haïti: pics de violence depuis la nomination d’un nouveau Premier ministre

Les gangs lancent de multiples attaques à Port-au-Prince depuis la nomination d’un nouveau Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé. 40 000 personnes ont fui les violences. Le journaliste haïtien Rodly Saintiné analyse la situation pour TRT Français.

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Son désespoir est celui de centaines d’enfants haïtiens touchés de plein fouet par les violences de gangs. Contraints de fuir, la plupart se retrouvent à la rue, sans aucune aide ni assistance de l’Etat.

Dépourvus, à présent, de l’aide humanitaire, les déplacés sont laissés sans ressources. Face à cette situation alarmante, les ONG, dont Médecins Sans Frontières, tirent la sonnette d’alarme et exhortent au rétablissement d’urgence des financements humanitaires qui sont cruciaux pour le pays. 

Au regard de la dégradation de la situation actuelle en Haïti, si rien n’est fait, le pays risque de sombrer dans la plus grande crise humanitaire mondiale. En février 2025, les Nations unies lançaient un appel d’urgence à hauteur de quatre millions de dollars pour pouvoir livrer l’aide humanitaire via le service aérien des Nations unies puisque l’aéroport commercial est fermé à cause des violences. 

Selon les calculs des Nations unies, en 2024,  5,4 millions de personnes ne mangeaient pas à leur faim dans le pays, dont deux millions souffraient de famine.

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