Cela ressemble à un dernier pari, tenté par le gouvernement de Kinshasa, acculé dans la guerre à l’est contre les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. La République démocratique du Congo (RDC), pays détenteur de vastes réserves de cobalt, de lithium et d’autres minerais rares essentiels aux technologies avancées, a proposé aux États-Unis un accès privilégié à ses ressources en échange d’une aide substantielle en matière de sécurité et de stabilité régionale.
Cette idée d’un accord – d’abord avancée par le président congolais Félix Tshisekedi, dans une interview accordée au New York Times le 22 février – a de nouveau été évoquée par des sources proches de la présidence congolaise et du ministère des Mines début mars, comme en écho à l’accord envisagé avec l’Ukraine, où un soutien sécuritaire des USA est discuté en parallèle d’un accès aux ressources. Pour Kinshasa, l’enjeu est double. D’une part, la présence américaine pourrait dissuader la poursuite d’attaques des rebelles du M23, qui contrôlent déjà des territoires importants dans les Kivus, notamment les villes de Goma et Bukavu et leurs régions alentour. D’autre part, un partenariat avec les États-Unis permettrait à la RDC de diversifier son industrie minière, dominée par les entreprises chinoises (elles représentent aujourd’hui environ 70 % des opérateurs dans le secteur du cuivre et du cobalt en RDC, NDLR), comme l’a souligné Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais, dans de nombreuses interviews.
Car ce « pays-continent », aussi vaste que l’Europe, détiendrait entre 60 et 80 % des réserves mondiales de coltan, reste le premier fournisseur mondial de cobalt, avec 70 % des ressources mondiales et demeure aussi un producteur important de lithium, de tantale et d’uranium. Un enjeu crucial dans la course à la transition numérique et la compétitivité industrielle alors que les États-Unis cherchent à assurer leur approvisionnement en métaux stratégiques.
Lettres et lobbys
Ainsi, dès le 21 février, un lobbyiste nommé Aaron Poynton, représentant le sénateur et président du Comité de la défense, de la sécurité et de la protection des frontières du Sénat congolais Pierre Kanda Kalambayi, adressait des lettres au secrétaire d’État américain, Marco Rubio, et à d’autres responsables de l’administration de Donald Trump – aux chefs des commissions des affaires étrangères de la Chambre et du Sénat, au sénateur républicain Ted Cruz, au secrétaire au Commerce Howard Lutnick et au représentant républicain Rob Wittman, qui préside le groupe de travail sur la politique des minéraux critiques à la Chambre –, invitant les États-Unis à investir dans les minerais en RDC en échange d’une aide à renforcer la « stabilité régionale » tout en insistant sur l’opportunité unique pour Washington d’établir une chaîne d’approvisionnement fiable et exclusive en minerais critiques.
Peu de temps après, André Wameso, directeur de cabinet adjoint du président Félix Tshisekedi, se rendait à Washington pour des discussions sur un éventuel partenariat. La proposition congolaise émise par Aaron Poynton va au-delà d’un simple accès aux mines. Selon des informations divulguées via le site Web de la Loi sur l’enregistrement des agents étrangers, Kinshasa offrirait aux entreprises américaines un contrôle opérationnel et des « droits exclusifs d’extraction et d’exportation ». L’offre comprend également une participation à un projet de port en eau profonde sur la côte atlantique et la mise en place d’un stock stratégique commun de minéraux. En contrepartie, les États-Unis fourniraient une formation et du matériel aux forces armées congolaises, ainsi qu’une assistance directe en matière de sécurité.
La nécessité d’une solution régionale
Début mars, un porte-parole du département d’État américain a reconnu auprès de Reuters que : « Les États-Unis sont ouverts à la discussion sur des partenariats dans ce secteur qui soient alignés sur la politique “America First” de l’administration Trump », soulignant que ceux-ci travaillent « pour renforcer l’investissement du secteur privé en RDC afin de développer les ressources minières de manière responsable et transparente ». Mais la route vers un accord reste très longue.
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L’administration Biden avait déjà exprimé des réticences quant à l’investissement dans le secteur minier congolais en raison de préoccupations liées à la corruption, à la dégradation de l’environnement, à l’insécurité et aux conditions de travail. « Pour la RDC, cela impliquerait probablement des renégociations longues et délicates des contrats miniers, alors qu’il est difficile de voir l’administration Trump être capable de mobiliser les investisseurs américains », soulignait ainsi auprès du média américain Bloomberg, Joshua Walker, directeur de programme pour le Congo Research Group de l’université de New York. Sans doute est-ce pour cela que la nomination par l’administration Trump de Massad Boulos au poste d’envoyé spécial pour la région des Grands Lacs se fait plus imminente. Beau-père de Tiffany Trump, cet homme d’affaires libanais, déjà conseiller principal pour les affaires arabes, possède une expérience significative dans l’automobile au Nigeria et est jugé comme un atout majeur dans le dossier.
Si un accord avec les États-Unis peut renforcer la position de la RDC face aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, la question de la stabilité régionale reste complexe. Plusieurs initiatives diplomatiques menées par les pays voisins et les organisations régionales n’ont jusqu’à présent pas réussi à résoudre le conflit. Pour l’heure, le gouvernement congolais assure que les échanges avec les responsables américains sont quotidiens et que la volonté de diversifier les partenariats est réelle. Reste à savoir si cette offensive diplomatique portera ses fruits et si Washington saisira cette opportunité de renforcer sa présence en Afrique centrale, dans un contexte de compétition croissante avec la Chine pour l’accès aux ressources stratégiques.
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