Un drame africain, un silence universel

Depuis avril 2023, les Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par Mohamed Hamdane Daglo, dit «Hemedti», et l’armée régulière, sous la coupole du général Abdel Fattah al-Burhane, transforment un pays meurtri en vaste champ de ruines, en s’affrontant dans une spirale de barbarie qui pulvérise tout sur son passage : les maisons, les marchés, les hôpitaux et, surtout,  des civils innocents.

Des dizaines de milliers de morts, 12 millions de déplacés et des fosses communes à ciel ouvert. Et toujours ce silence et cette apathie internationale coupables.

A Omdourman, des enfants sont tués par des obus tirés au hasard. A El-Facher, on vit désormais sous terre pour ne pas mourir au grand jour.

A Khartoum, le palais présidentiel, jadis symbole d’une souveraineté rêvée, est devenu une cible flottante. L’armée s’en est emparée, les FSR l’ont bombardé. Trois journalistes y ont laissé leur vie.

Mais c’est à peine si ces horreurs interpellent. La guerre au Soudan n’indigne plus. On s’en accommode. Tous ces innocents tués chaque jour s’inscrivent dans une certaine normalité.

Même les institutions internationales, d’ordinaire si promptes à s’émouvoir, peinent à sortir autre chose qu’un communiqué tiède : «nous sommes préoccupés».

L’ONU «s’inquiète». Elle «s’inquiète» des morts, «s’interroge» sur les viols, «s’alarme» des famines. Puis, elle se retire doucement sur la pointe des pieds, au nom de la neutralité diplomatique et de la sécurité des personnels.

Quant à la grande communauté internationale, elle brille par son absence. L’Occident, qui se déchire à juste titre sur Gaza et l’Ukraine, a relégué le Soudan dans les limbes médiatiques. Trop loin ? Trop complexe ? Une affaire entre Africains ?

L’Afrique, justement, s’agite avec une énergie presque touchante. Mais ses appels à la paix ressemblent à des bouteilles lancées dans un océan de chaos.

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, actuellement présidé par le Maroc, multiplie les déclarations bienveillantes sur le Soudan du Sud, où la guerre menace aussi de reprendre. Mais du côté du grand frère du Nord, la guerre est déjà là. Et bien installée.

On pourrait se demander, naïvement, où sont passés les appels à la responsabilité. Les sanctions ciblées. Les corridors humanitaires. Les conférences de paix. Les pressions diplomatiques.

Au fond, c’est peut-être ça le vrai drame du Soudan : il meurt en silence. Mais à la vue de tous.

De fait, aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose à Khartoum. Ni infrastructures, ni écoles et encore moins des hôpitaux.

Il reste quelques femmes qui cuisinent pour des milliers de réfugiés, des médecins qui opèrent à la lumière de leur téléphone et des enfants qui apprennent à survivre dans les caves.

Le plus ironique ? Pendant que des millions de Soudanais vivent dans la détresse et cherchent une sortie de secours vers le Tchad, les chefs militaires des deux camps s’envoient des communiqués bien rédigés, s’accusant mutuellement de crimes… qu’ils commettent tous deux.

Bref, c’est une guerre sans vainqueurs, mais avec un nombre croissant de vaincus : les enfants, les femmes, les vieux, les humanitaires, les journalistes…

L’Histoire s’en rappellera. Elle se rappellera surtout que la communauté internationale a su, mais n’a rien fait.

F. Ouriaghli

 


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