« un témoignage fort et rare » (Fabienne Sainte-Rose)

Le témoignage d’un Martiniquais d’une soixantaine d’années, qui dénonce des agressions et des viols de la part d’un prêtre de Martinique il y a 49 ans, fait réagir.

La médiatrice en santé pair au sein de la CIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants), Fabienne Sainte-Rose, estime que la libération de la parole doit absolument être encouragée…

J’aimerais vraiment remercier Michel (**) qui a vraiment pris son courage à deux mains et nous a livré ces atrocités qu’il a subies. Il donne un témoignage fort et rare puisqu’on sait que les petits garçons sont touchés autant que les petites filles. Mais on ne le dit pas assez. Contrairement à ce que certains disent, les violences sexuelles sur les enfants sont bien présentes sur nos territoires, souvent pratiquées sur fond magico-religieux. Nous avons été contactés il y a quelques années aussi par un autre jeune qui avait lui aussi été agressé par un prêtre. C’était en 2016, ça ne passait pas du tout dans les années 70.

« Du bien de voir qu’ils ne sont pas seuls »

Engagée dans un travail de libération de la parole, Fabienne Sainte-Rose assure avoir vu le nombre de témoignages grossir, depuis que de premières victimes ont osé s’exprimer publiquement.

Quand nous, victimes de la vie, avons commencé à donner nos témoignages, on a vu que nos groupes de parole que nous organisions à l’ époque, tous les samedis après 12 h, grossissaient. Des hommes et des femmes qui avaient 18, 40 ans, 50 ans, 83 ans même, venaient effectivement partager leurs expériences. Même si ces faits-là étaient prescrits à bien des personnes, ça leur faisait du bien de voir qu’ils n’étaient pas seuls. Ils étaient crus et souvent soutenus.

Elle insiste sur les traumatismes subis par les petits garçons, qui « sont touchés autant que les petites filles », mais qui osent encore moins l’exprimer.

Comme les petits garçons n’arrivent pas à dire leurs souffrances, ça se transforme en violence, en honte et c’est pour ça qu’ils sont des fois plus violents que d’autres. Ils ne peuvent pas dire « le prêtre il m’obligeait à lui faire des fellations ou ma tante elle m’a obligé à lui faire des cunnilingus ». Ce sont des choses difficiles à dire mais qui existent. Et c’est aussi pour ça que nos hommes, malheureusement, ils font plus de tentatives de suicides qu’ailleurs et ils boivent plus de rhum, fument plus de cannabis. Et j’entends qu’on met des moyens pour lutter contre le trafic de stupéfiants mais  les moyens seraient les bienvenus pour protéger les enfants puisque les gens qui fument, qui boivent, qui prennent de la cocaïne, ce sont des gens en souffrance et il faut les entendre. On a effectivement intérêt, pour rester cohérents, à écouter les enfants et les mamans aussi qui dénoncent.

« Parler, pour que cela ne se reproduise plus »

Ce matin, en exclusivité sur RCI, un sexagénaire a en effet « libéré sa parole » pour dénoncer des faits de viols et d’abus sexuels commis en Martinique il y a une cinquantaine d’années, de la part d’un prêtre bien connu à l’époque.

Il avait 9 ans au moment des faits dans les années 70 et aurait subi un calvaire pendant 6 mois, à l’intérieur du Presbytère.

Pour lui, aujourd’hui, « à chaque fois qu’il entend l’actualité, ce type de faits dans l’Hexagone, c’est comme une blessure qui ne se referme pas ».

J’ai envie que la population sache qu’en Martinique aussi ce type de faits s’est produit et, j’en suis persuadé, continue à se produire. J’appelle toutes les personnes qui ont été victimes, car je suis sûr qu’il y en a, d’avoir le courage de faire la démarche, même de façon anonyme pour que ça ne se reproduise plus. Il n’y a pas pire ennemi que le silence dans ce genre de situations


(*) Il s’agit, selon l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’une personne en capacité d’utiliser son vécu personnel de la maladie et son parcours de rétablissement, au sein d’une équipe pluridisciplinaire de psychiatrie et de santé mentale, pour contribuer positivement et de manière professionnelle au projet de soin, de vie et d’autonomisation des personnes prises en charge et/ou accompagnées »

(**) Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat

 

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