L‘agence de notation Fitch doit réévaluer la note de la France, ce vendredi 14 mars. Entre déficit persistant et croissance en berne, l’économiste Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of management, estime qu’une baisse de la note serait logique, bien que non garantie.
Le Point : Pensez-vous que Fitch pourrait dégrader la note de la France aujourd’hui ?
Éric Dor : Ce serait logique. Lors de leur dernier examen, en octobre, ils avaient clairement identifié deux critères pouvant conduire à une dégradation : l’incapacité à mettre en œuvre un plan crédible d’assainissement budgétaire à moyen terme et des perspectives de croissance économique nettement plus faibles. Or, sur ces deux points, la situation s’est détériorée. Le déficit reste élevé, à 5,4 % du PIB (un effort inachevé obtenu au prix de fortes concessions, comme la négociation sur les retraites), et les efforts budgétaires sont reportés, avec peu de réductions de dépenses.
Certains investisseurs institutionnels ont des règles strictes qui limitent ou interdisent la détention d’actifs en dessous d’un certain seuil.
À cela s’ajoute l’augmentation des dépenses militaires pour faire face à la situation géopolitique… Et même si la Commission européenne a annoncé un assouplissement des critères budgétaires, une dette reste une dette. De plus, les perspectives de croissance pour 2025 et 2026 sont bien en deçà des prévisions initiales de Fitch, qui tablaient sur 1,2 % et 1,3 %. Aujourd’hui, même le gouvernement prévoit seulement 0,9 %, et beaucoup d’analystes jugent ce chiffre encore trop optimiste.
Quels sont les risques concrets d’une dégradation pour la France ?
Une dégradation aurait des conséquences importantes. Si la note passe en catégorie A, cela pourrait mécaniquement réduire la demande pour les obligations françaises. Certains investisseurs institutionnels, comme des fonds, ont des règles strictes qui limitent ou interdisent la détention d’actifs en dessous d’un certain seuil. Pour les banques, cela augmenterait les exigences minimales de fonds propres.
Nous observerions donc une hausse des taux d’intérêt exigés par les marchés, augmentant encore le coût de la dette publique et rendant encore plus difficile le retour à une trajectoire budgétaire soutenable… Cela dit, je ne pense pas que cela entraînerait une crise de la dette. Je ne pense pas que le Fonds monétaire international soit à nos portes.
À Découvrir
Le Kangourou du jour
Répondre
Fitch pourrait-elle décider de maintenir la note malgré tout ?
C’est possible, mais cela serait difficile à justifier. La France bénéficie de certains atouts, comme la liquidité de sa dette, la diversification de son économie, la bonne santé de son système bancaire ou l’abondance de revenus et de patrimoine privé. Ces éléments pourraient inciter Fitch à laisser encore du temps à la France. Mais cela sera très difficile à justifier car les finances publiques françaises sont plus dégradées que celles de nombreux autres pays européens moins bien notés. Les marchés l’ont d’ailleurs déjà intégré : l’Espagne et le Portugal empruntent désormais à un taux moins élevé que celui de la France. Mais les décisions des agences de notation ne sont pas toujours purement mécaniques et peuvent être influencées par des considérations politiques.
Crédit: Lien source