Une Économie en Crise un An Après la Rupture

Un an après un virage souverainiste, le Sénégal sombre : chantiers stoppés, dette explosive. Les promesses tiendront-elles face à la crise ? Cliquez pour savoir !

Imaginez une ville où le bruit des marteaux-piqueurs et des grues s’est tu, remplacé par un silence pesant. À Dakar, capitale vibrante du Sénégal, les chantiers qui autrefois redessinaient l’horizon sont aujourd’hui figés, comme suspendus dans le temps. Un an après l’arrivée au pouvoir d’un régime prônant une rupture radicale avec le passé, les espoirs d’une relance économique se heurtent à une réalité brutale : machines à l’arrêt, ouvriers désœuvrés et dettes qui s’accumulent. Que s’est-il passé pour que ce pays, porté par des promesses de souveraineté et d’indépendance, se retrouve dans une telle impasse ?

Un An de Souverainisme : Entre Espoirs et Désillusions

En avril 2024, un vent de changement souffle sur le Sénégal. Un nouveau président, porté par une vague populaire, prend les rênes avec une ambition claire : rompre avec des décennies de dépendance étrangère et redonner au pays sa pleine souveraineté. Les attentes sont immenses, surtout dans un contexte de marasme social où la pauvreté et les inégalités restent des défis majeurs. Mais un an plus tard, le tableau est sombre : l’économie, loin de décoller, semble s’enliser.

Le BTP, Moteur Économique en Panne

Dans un hangar poussiéreux de la capitale, un ouvrier contemple, dépité, une perceuse immobile. Autour de lui, des machines autrefois bruyantes dorment sous une couche de silence. Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), qui pèse environ 6 % du PIB et emploie des milliers de personnes, est en crise. Une entreprise locale, spécialisée dans les infrastructures publiques, a vu son carnet de commandes fondre de manière spectaculaire, passant de 213 millions d’euros à seulement 30 millions en un an. Résultat ? Des effectifs réduits de moitié et des familles plongées dans l’incertitude.

“Tout est à l’arrêt. On ne sait plus comment joindre les deux bouts.”

– Un ouvrier anonyme du secteur

Ce témoignage n’est pas isolé. D’après une source proche du patronat, les arrêts de chantiers ont durement frappé le BTP ces derniers mois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une baisse de 2,6 % du chiffre d’affaires dans la construction en 2024 par rapport à l’année précédente. Routes, écoles, hôpitaux : des projets essentiels sont aujourd’hui en suspens, laissant des communautés entières dans l’attente.

Une Dette Publique qui Étouffe

Si les chantiers sont à l’arrêt, c’est en grande partie à cause d’un fardeau financier écrasant. L’État doit aux entreprises du BTP une somme colossale, estimée à plus de 457 millions d’euros selon des sources bien informées. Ces impayés, cumulés sur des mois, ont mis à genoux des sociétés qui dépendaient des contrats publics pour survivre. “Sans paiement, on ne peut ni acheter de matériaux ni payer les salaires”, confie un responsable du secteur.

Chiffre clé : La dette publique atteint désormais près de 100 % du PIB, bien au-delà des estimations officielles du précédent régime.

Ce n’est pas tout. Un audit récent a révélé une situation budgétaire bien plus alarmante que prévu. Le déficit, recalculé à 12,3 % pour 2023, dépasse largement les 4,9 % annoncés par l’ancien gouvernement. Une telle révélation a eu des répercussions immédiates : deux agences de notation internationales ont dégradé la note du pays, rendant l’accès aux financements extérieurs encore plus compliqué.

L’Audit Foncier : Transparence ou Paralysie ?

Dans sa quête de transparence, le nouveau régime a lancé un vaste audit foncier, visant à clarifier la gestion des terrains, notamment à Dakar où l’immobilier est en pleine effervescence. Louable sur le papier, cette initiative a pourtant eu un effet boomerang. De nombreux chantiers, suspendus ou stoppés en attendant les résultats, ont accentué la crise du BTP. “On veut bien de la clarté, mais ça nous tue à petit feu”, déplore un entrepreneur local.

  • Conséquences directes : Mise en chômage technique de centaines d’ouvriers.
  • Effet domino : Ralentissement de l’activité immobilière dans la capitale.
  • Paradoxe : Une mesure pour assainir qui finit par asphyxier.

Face à cette situation, le gouvernement a promis d’agir. Début mars, il a reconnu “l’urgence” de solder ces dettes et de relancer les projets inachevés. Mais pour beaucoup, ces annonces sonnent comme des paroles en l’air, alors que les caisses de l’État sont exsangues.

Un Héritage Lourd à Porter

Le président, dans une allocution fin janvier, n’a pas mâché ses mots : l’État est dans une situation “alarmante”, avec des marges de manœuvre budgétaires quasi inexistantes. Il pointe du doigt l’ancien régime, accusé d’avoir maquillé les chiffres pour masquer une gestion désastreuse. Pendant 12 ans, de grands travaux – un train rapide, des autoroutes, une ville nouvelle – ont transformé le pays. Mais à quel prix ? Ces projets, souvent confiés à des entreprises étrangères, ont creusé un trou béant dans les finances publiques.

“Le Sénégal a toujours vécu au-dessus de ses moyens. La crise actuelle n’est qu’un révélateur.”

– Un économiste de l’université de Dakar

À cela s’ajoute une conjoncture internationale défavorable. La crise du financement du développement limite les ressources, qu’il s’agisse d’investissements étrangers, d’aide publique ou d’emprunts. Le Sénégal, autrefois “chouchou” des bailleurs de fonds, voit son étoile pâlir.

Pétrole et Gaz : Une Richesse Qui Ne Profite Pas (Encore ?)

2024 marque un tournant : le Sénégal devient producteur de pétrole et de gaz. Une aubaine, en théorie, pour renflouer les caisses et réduire la pauvreté. Pourtant, sur le terrain, rien ne change. Les inégalités persistent, et les retombées économiques tardent à se faire sentir. “On nous a vendu du rêve, mais pour l’instant, c’est un mirage”, lâche un habitant de Dakar.

Secteur Impact 2024 Emplois affectés
BTP -2,6 % de CA 1300 pertes
Pétrole/Gaz Production lancée Effet limité

Pourquoi ce décalage ? Les experts évoquent un manque d’infrastructures pour exploiter pleinement ces ressources et une redistribution encore balbutiante. Pendant ce temps, les Sénégalais attendent des bénéfices concrets.

Climat Social : La Cocotte-Minute

Face à cette crise, le mécontentement gronde. Fin février, le Premier ministre a tenté de calmer les esprits en proposant un “pacte de stabilité sociale” aux syndicats. Parmi les mesures : réduire le train de vie de l’État et auditer la fonction publique. Mais ces annonces peinent à convaincre dans un climat social tendu, où les licenciements et le chômage technique alimentent la frustration.

Les rues de Dakar bruissent de rumeurs et de colères contenues. Les espoirs nés il y a un an s’effritent, remplacés par une question lancinante : le souverainisme, tant vanté, était-il une promesse en l’air ?

Et Maintenant ?

Le Sénégal se trouve à un carrefour. D’un côté, un régime décidé à rompre avec le passé et à assainir les finances. De l’autre, une économie au bord de l’asphyxie et une population qui s’impatiente. La relance des chantiers, l’apurement des dettes et l’exploitation des ressources pétrolières seront des tests cruciaux pour ce gouvernement. Mais une chose est sûre : sans résultats tangibles, la rupture tant promise risque de se transformer en rupture de confiance.

Alors que les machines restent silencieuses et que les ouvriers attendent, le pays retient son souffle. La suite ? Elle dépendra autant des choix politiques que de la capacité à transformer les défis en opportunités. Une chose est certaine : le Sénégal n’a plus de temps à perdre.

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