Lisa Sarr Bictogo, la fille de Bictogo et deux frères du président de l’Assemblée nationale ont fait l’objet, la semaine dernière, d’un interrogatoire serré au Pôle pénal économique et financier d’Abidjan dans l’affaire du marché des passeports dans laquelle l’Etat ivoirien réclame 4 milliards. Les enquêteurs s’interrogent également sur la disparition d’autres milliards, cette fois-ci au préjudice de l’entreprise d’Adama Bictogo. Mais le PEF croit plus à la thèse d’un auto-détournement.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Adama Bictogo croyait donner du travail à sa famille. A la fin, elle pourrait bien pâtir de la descente aux enfers de son entreprise, la Société nationale d’édition de documentations administratives et d’identification (SNEDAI) dont les comptes font l’objet d’une inspection minutieuse des services fiscaux. La semaine dernière, sa fille, Lisa Sarr Bictogo, directrice générale adjointe de l’entreprise et ses deux frères ont été convoqués au Pôle économique et financier (PEF) d’Abidjan qui enquête sur le marché de passeports ivoirien. Tous les trois ont été longuement auditionnés par Milie Blanche Essoh épouse Abanet.
Les enquêteurs qui passent au peigne fin les comptes de l’entreprise veulent savoir comment 4 milliards (6 millions d’euros) d’avoir de l’État de Côte d’Ivoire ont pu disparaître sans laisser de traces. Le PEF veut également faire la lumière sur un détournement de plusieurs milliards de FCFA dont la société du président de l’Assemblée nationale dit avoir été victime en Septembre 2023. Mais le Pôle économique et financier privilégie la piste de l’auto-détournement en raison de soupçons de plus en plus persistants et des moyens financiers colossaux dégagés durant la campagne des législatives.
Une guerre financière
Selon Africa Intelligence, le président ivoirien ne veut pas intervenir dans le dossier. En revanche, il est informé de tous les détails de l’affaire. Plusieurs proches d’Alassane Ouattara prêtent des ambitions présidentielles à Adama Bictogo. En dépit de ses dénégations, le régime continue de redouter sa candidature, vu qu’Adama Bictogo est plutôt du genre à toujours parvenir à ses fins et qu’il compte parmi le cercle de nouveaux milliardaires que compte le pays depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir. C’est aussi un homme proche de l’opposition, des militants et sympathisants de son camp et un musulman du nord comme Alassane Ouattara. Or, nombre de ces militants sont généralement désemparés en raison du chômage endémique des jeunes. Du temps où il était directeur exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la paix et la démocratie (RHDP), le parti présidentiel, Adama Bictogo arrivait à mettre la pression sur les cadres pour les obliger à recruter les militants. A titre personnel, lui-même en a recruté dans ses différentes entreprises, ce qui peut lui valoir une réserve de voix capable de mettre en échec la réélection de Ouattara qui n’a toujours pas déclaré sa candidature à un quatrième mandat qui est cependant sur toutes les lèvres.
Au vu de la tournure des événements, tout laisse croire que ses adversaires internes tentent de l’émasculer financièrement en même temps qu’il lui coupe ses liens politiques avec les avec populations de Yopougon qu’il n’aura pas réussi à sauver des violentes opérations de déguerpissements menées par Cissé Bacongo, le ministre-gouverneur avec qui ses relations sont notoirement mauvaises. Plusieurs autres sociétés d’Adama Bictogo font également l’objet de contrôles fiscaux resserrés. La concession du marché du passeport est d’ores et déjà perdue, impossible en théorie de le renouveler. Car depuis plusieurs mois, c’est le groupe Belge SEMLEX qui est en pôle position sur ce dossier en raison du soutien de David Dramane Ouattara, le fils aîné du Président Alassane Ouattara. Le coût du contrat est d’environ 750 millions d’euros.
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