Le départ définitif de la City Bank d’Haïti (1971-2024) , la dernière banque étrangère encore présente en Haïti, vient sonner le glas à toute pénétration et au renforcement considérable du capital international en Haïti désamorcé très tôt avec l’affaire Galbaud en 1794. En cette circonstance, des colons blancs en avaient eu à profiter pour investir à Cuba et Puerto Rico . Pour rebondir aux temps actuels, il y a lieu de souligner qu’Haïti a connu depuis la fin des années 1980 la tendance à une “économie humanitariste et militarisée”, nulle autre expression n’est encore à ma portée pour illustrer le cas haïtien. Ce, pour sa situation historique spéciale liée à une non insertion dans le système économique international sinon par des voies détournées correspondant à la spéculation, la flibuste ou la contrebande. Ce qui a été illustré par le sociologue dominicain Evertz (1986) en étudiant les cas de la République dominicaine, Cuba, Puerto Rico et par ricochet Haïti et Jamaïque.
La présence de la City Bank remonte en l’année 1971, à l’ère de la Révolution économique, soit un slogan qui résonnait dans la propagande Duvaliériste d’alors. Puis c’était le tour de la Scotia Bank (1973) qui a rejoint la National Bank of Chicago, la Bank of Boston et la Banque Nationale de Paris.
En effet, le capital financier international ne s’installa en Haïti qu’aux deux grandes phases de globalisation capitaliste, soient ( 1870 -1920 et 1970-1985 ), convoité par la spéculation. Ainsi la Banque Royale du Canada s’était implantée en 1919 héritée des démêlées des groupes banquiers allemands, Américains et Français qui avaient donné lieu à la Banque Nationale de la République d’Haïti.
Les banques étrangères ont justifié leur présence dans la région caribéenne en raison du recouvrement des dettes forcées ce, pour les besoins d’expansion le plus souvent inavouable du capital financier international. Aussi le militarisme est-il une contrepartie de l’expansion du capital financier international. Nous devons noter les valses de ces capitaux durant l’occupation américaine d’Haïti et celle de la région en général et durant la période de la Dictature des Duvalier notamment à l’ère du Jean Claudisme (1970-1985). Dans la 1ère phase, l’endettement externe et l’instabilité politique ont converti la région en une source de tension internationale dans la mesure où les tenanciers de bons européens ont fait prévaloir de la protection navale de ses gouvernements pour forcer le paiement des dettes issues en grande partie d’une série d’opérations douteuses(Del Castillo et autres,1979:19).
Pour ce qui concerne la deuxième phase de la globalisation, après la mort de Kennedy, l’incitation à l’investissement américain était à l’ordre du jour dans les politiques du régime Duvaliériste. Ces investissements consistent à liquider les ressources du pays et défier les droits sociaux des travailleurs. C’est de l’ordre d’une entreprise maffieuse hors de toute politique d’investissement au regard des normes. Aussi doit- on relever des investissements, le plus souvent douteux et de financements pour le développement tel est le cas de l’Eximbank pour la construction du complexe hydro-électrique de Péligre soldé par un scandale financier (Pierre-Charles, 2013).
Les monopoles sont priorisés dans le cadre du régime et le capital étranger en est partie prenante. Le gangstérisme s’installe. L‘invitation à l’investissement en est donc son affaire. Il revient aux organismes internationaux comme l’ONU et le FAO de dénoncer une exploitation criante dans le cadre de contrat de l’Etat haïtien une firme d’exploitation minière.
L’achalandage des investissements juteux et scandaleux est un point fort à l’appui d’un régime exceptionnel apparenté au fascisme créole. La vente de l’ile de la Tortue à la compagnie Dupont Caribbean Incorporate Freeport Authority est un accroc qui a été dénoncée dans l’opinion publique et a fait rétracter les autorités concernées.
L’aide américaine a utilisé la voie des organismes humanitaires comme la CARE et l’USAID (Ibidi,2013).Il s’agit de la composante humanitariste de l’économie.
On a profité des conjonctures de prospérité, de boom. Le secteur non productif et parasitaire est surtout alimenté dans ce contexte pendant que sévit la pauvreté à défaut d’accumulation suivie de distribution équitable de richesses et de couverture de services sociaux. Cette pauvreté issue d’effets pervers du développement, justifie l’écononmie humanitariste qui domine la scène jusqu’à nos jours et le capital financier international s’en va.C’était le départ de la Banque Nationale de Paris (1994); la Banque Intercontinentale de Commerce (BIDC) celles de la First National Bank of Boston (1996), la Scotia Bank (2017).
C’est la course à l’aide à la migration déja promue dans années 1980 et reprise apres le coup d’Etat militaire contre le président Jean Bertrand ARISTIDE, renforcée avec le séisme du 10 janvier 2010 par le biais des politiques migratoires humanitaires dont Le Statut ProtégéTemporaire (TPS) et Humanitarian Parole (2022)Le Refugee Education Assistance Act of 1982 adopté en faveur des Immigrants “boat people “haitiens et Cubains”marielitos” constituait la première expérience humanitaire concernant des Parolees (Potocky-Tripoli, 2002:8) qui avait suivi le Cuban/Haitian Entrant de 1980.De la famille des programmes humanitaires, en 1990, a été promulgué le Temporary Protected Status (TPS), renouvelé en maintes occasions. Aussi The Haitian Refugee Immigration Fairness Act (HRIFA) avait-il été en vigueur, en 1998, en faveur des Haitiens fuyant la terreur du coup d’Etat de 1991.
Nous constatons le développement du couple (humanitarisme-militarisme), ce que Vorbe appelle Humanitarisme militarisé (2011).Et l’endettement se renforce aussi bien que la dépendance du Fonds Monétaire International (FMI) (Pierre, 2021).Nous connaissons depuis quelques 3 semaines la présence de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) qui a suivi les expériences d’autres forces militaires étrangères et /ou des Nations Unies depuis 1993.
Hancy PIERRE, professeur à l’Université d’Etat d’Haïti/Université de Technologie d’Haïti/The University of Findlay, Ohio
Repères bibliographiques.
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