Sur le bateau floqué Bénin dévalant la Seine, le 26 juillet 2024, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, Valentin Houinato est là, heureux, drapeau dans les mains, lui le porte-drapeau du pays, judoka de 28 ans. Ce Franco-Béninois – sa mère est française et son père béninois – avait rêvé de ce moment toute sa vie et de la suite, aussi : combattre sur la plus grande scène du monde, briller et tenter d’aller le plus loin possible dans la compétition.
Il y connaîtra une déception, celle de perdre au premier tour dans la catégorie des moins de 81 kg face à l’Italien Antonio Esposito, 13e mondial. Mais au fond, il avait déjà gagné : en vivant l’expérience d’une vie, soutenu par le public de l’Arena Champ-de-Mars, et en la partagant avec des milliers de gens.
Une chronique sur France Inter pour partager son quotidien
C’est déjà ce qu’il faisait depuis des mois sur France Inter dans La prépa, une chronique lancée en septembre 2023, où Houinato racontait pendant trois minutes, à la manière d’un message vocal, sa préparation, son quotidien, ses galères, ses joies, ses peines, et répondait aux questions des auditeurs sur le judo ainsi que sur son rôle dans la délégation béninoise.
Car, si, sur les tatamis, Valentin Houinato rêvait d’une qualification pour les JO, obtenue, et pourquoi pas, une utopie, d’y conquérir la première médaille olympique de l’histoire du Bénin, c’est en qualité de journaliste que le natif de Melun, en Seine-et-Marne, se présente à la ville.
Avant ça, le pigiste s’était formé à l’université Paris 8 et à l’École Supérieure de Journalisme de Montpellier, entre autres, avant d’effectuer des stages à France Bleu, RTL ou Radio France, aux services info, reportage ou économie. Il y parlait d’actualité généraliste, option fact-checking, jusqu’à cette opportunité JO qui, le croyait-il, lui ouvrirait des portes.
Les vertus et les limites du « double projet »
« Secrètement, je me disais que la qualification et la participation aux Jeux m’aideraient à trouver des sponsors, et même pourquoi pas un travail, raconte-t-il aujourd’hui. On a plus ou moins évoqué un CDI et un contrat avec des horaires aménagés. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. J’ai commencé à chercher du travail ailleurs, et, bien évidemment, des sponsors. Mais, juste après les Jeux, l’intérêt pour le sport s’est vite estompé du côté des entreprises. »
Notamment dans les médias, son principal domaine d’activité, lui le gamin bercé à la radio et au journalisme web qui rêve toujours de faire carrière derrière un micro. Sans rémunération fixe et avec beaucoup de frais à avancer pour continuer la pratique du judo au haut niveau, Valentin Houinato concède vivre actuellement « la pire période » de sa vie.
Assis sur le tatami de sa salle d’entraînement, en région parisienne, le judoka, hagard, confie être à la croisée des chemins. « J’aime trop mon sport pour arrêter », assure-t-il, après des mois de blessures qui se sont enchaînés après les Jeux. D’abord à la clavicule, puis à un genou, et encore dernièrement à une cheville, pépins qui auraient pu lui faire arrêter sa carrière.
Alors, continuer le sport ou se consacrer au journalisme ? Valentin Houinato s’interroge, comme d’autres avant lui, sur les vertus du « double projet ». Lui ne se voit pas arrêter le judo et pense déjà aux prochains Jeux, à Los Angeles, en 2028. Un vrai objectif pour le Franco-Béninois, comme les Championnats d’Afrique du 25 au 27 avril ou encore les prochains Mondiaux de Budapest, en Hongrie, prévus en juin.
Il ne se voit pas non plus faire une croix sur son métier de journaliste. Lui-même se définit ainsi sur ses réseaux sociaux : « Un peu de judo. Un peu de journalisme. » « Ce qui est dur, c’est que le sport de haut niveau, on le vit tout le temps intensément, raconte-t-il, et donc ça ne rend pas les choses faciles. On se sent prisonnier de cette passion, même si, au fond, personne ne me met de couteau sous la gorge et que je le fais de bon coeur. Je pensais innocemment que ça serait plus simple, mais se sont ajoutés à cela des soucis avec mon club, surtout avec le président. Ça fait beaucoup d’un coup ! »
« J’ai fait des mois à 0 euro »
À 28 ans, Houinato confie ressentir le stress de fins de mois difficiles, « les trois, quatre derniers sans salaire car j’attendais désespérément des retours. J’ai fait des mois à 0 euro. » Le judoka raconte également ces kimonos achetés comme il le peut, sans jamais pouvoir accéder à une bourse olympique à laquelle il ne peut prétendre (il ne concourt pas pour la France), et sans pouvoir non plus compter sur les maigres moyens de la Fédération béninoise de judo.
Comme celle-ci ne peut pas avancer les frais, le jeune homme, qui s’entraîne à Maisons-Alfort, utilise toutes ses économies, quand il en a, et règle de sa poche. « Les personnes de la Fédé m’inscrivent en compétition, poursuit-il, me remboursent les coûts avancés quand ils le peuvent mais je dois quand même payer pas mal de choses. »
Il lui est arrivé de dormir dans des aéroports lors de ses différents voyages, hésite désormais à rentrer dans le club de ses débuts, Cesson, mais se rêve toujours en journaliste installé dans un média. « J’aimerais un contrat qui me permettrait de m’entraîner, un temps partiel avec des horaires aménagés et un support qui m’accompagnerait jusqu’aux Jeux de Los Angeles, confie le judoka. Je fourmille d’idées ! J’ai des projets d’enquêtes, j’ai très envie de faire de la vidéo, de la radio, du podcast… »
Crédit: Lien source