Publié le 20 mai 2024
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Dans un cadre médiatique burkinabè très corseté, chacun surveille son image, les militaires au pouvoir tout autant que les politiciens toujours en « indisponibilité ». Chacun devra bien manœuvrer, lors des assises nationales des 25 et 26 mai prochains. Après cette rencontre plus ou moins verrouillée à l’avance, le débat ne devrait plus être au goût du jour.
C’est par le petit bout de la lorgnette virale que certains tentent d’ébranler l’icône officielle d’une junte en fin de (première phase de) transition. Depuis quelques jours circule un profil Facebook dont le patrimoine photographique semble tout droit sorti de la collection personnelle du capitaine au pouvoir. On s’amuse du style « Tabu Ley Rochereau » d’un blouson de cuir, du kitsch d’une pose sur une pente enneigée, de la trivialité des cartoons partagés ou encore de la banalité des échanges avec les quelques abonnés de celui qu’ils appellent « mon LTN » (mon lieutenant).
Banalités toxiques ?
Pas de quoi fouetter un internaute, la page ressemblant à n’importe quel profil d’un vingtenaire des années 2010. Sur le plan de l’esquisse idéologique, d’ailleurs, rien ne semble entacher le discours « patriotique » qui enrobera plus tard le pouvoir d’« IB ». Ni la glorification christique de Thomas Sankara – « C’est Dieu qui nous l’a envoyé » –, ni des sentences philosophiques volontaristes comme « Même si on regarde pas l’objectif, on l’atteint. Lol ». Seul ce « LOL » serait aujourd’hui incongru.
Le 17 mai 2024, sans faire allusion à ce profil particulier, la présidence du Faso a jugé bon de porter « à la connaissance de l’opinion que le capitaine Ibrahim Traoré ne disposait pas de comptes Facebook, TikTok, Instagram et YouTube », non sans menacer de poursuites judiciaires « toute personne » qui usurperait « l’identité du président de la transition et ses données à caractère personnel sur les réseaux sociaux ».
Non-événement « fabuleux »
Peut-être les silhouettes naturellement plus effilées du profil Facebook et surtout les looks de cette jeunesse privée ne cadrent-ils pas assez avec la stratégie iconographique publique de l’uniforme militaire rémanent – hormis les teintes des tissus –, posture esthétique bien éprouvée par les superhéros de comics. Mais c’est le pseudonyme utilisé qui transforme le non-événement en fable : « Vasili Koslov ». La sonorité russophone de l’avatar conduit des internautes actuels à faire monter la mayonnaise de l’anachronie, en la reliant à l’empathie témoignée officiellement, aujourd’hui, au régime de Vlamidir Poutine.
Psychodrame en pixels ? L’année de création du profil Facebook désormais viral – donc avant que chacun n’imagine la situation géopolitique du Sahel de 2024 –, Vasili Ivanovitch Koslov était un soldat de 2e classe virtuel dans le jeu vidéo Call of Duty. À moins que le « LTN » du réseau bleu n’ait pensé au héros soviétique bélarusse décédé en 1967.
Fake ou pas fake, ce compte Facebook qui a le mérite de faire sourire ne doit pas éluder les rendez-vous politiques et sécuritaires déterminants pour le Faso en ce printemps 2024. Au mieux, qu’il rappelle aux toxicomanes des réseaux qu’il faut tourner son doigt sept fois sur l’écran avant de poster des contenus qui ne disparaîtront censément jamais.
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