« Voilà un levier que vous devez pouvoir activer pour aller plus vite vers le développement endogène. […] Un pays souverain doit être totalement souverain. Pas à moitié », rappelait-il dans ses discours électoraux.
Trois options pour tourner la page
Le chef de l’État sénégalais a présenté trois alternatives concrètes pour sortir du franc CFA : la création d’une monnaie commune dans le cadre de la CEDEAO, une option régionale au sein de l’UEMOA, ou, en dernier recours, la mise en place d’une monnaie nationale propre au Sénégal. Conscient des lenteurs institutionnelles régionales, il a précisé : « Si cela prend du temps, nous commençons à frapper notre propre monnaie », mettant en garde contre l’immobilisme administratif.
Cette démarche, selon lui, doit être menée avec prudence et responsabilité. Avant toute décision, il faudra stabiliser les agrégats macroéconomiques et préparer les mécanismes de régulation afin d’éviter des turbulences internes.
Un mouvement régional en marche
Le Sénégal n’est pas seul dans cette ambition de reconquête monétaire. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso, regroupés depuis 2023 au sein de la Confédération des États du Sahel (AES), ont ouvertement engagé un processus similaire. Lors de sa visite à Moscou, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a déclaré sans détour : « C’est clair qu’on ne va pas rester dans cette affaire de CFA ».
De son côté, le général Abdourahamane Tiani, président de la transition au Niger, avait dénoncé en février 2024 l’exploitation monétaire par la France : « Il n’est plus question que nos États soient la vache à lait de la France. La monnaie, c’est un signe de souveraineté ».
En mars 2025, le président malien Assimi Goïta annonçait un pas décisif : la création d’une Banque d’investissement et de développement de la Confédération avec un capital initial de 500 milliards de francs CFA, marquant le début d’une politique économique autonome et solidaire.
Vers un front monétaire commun ?
Si l’initiative sahélienne venait à aboutir à une monnaie propre, la perspective d’un élargissement à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, tels que le Sénégal, pourrait devenir une réalité stratégique. En rejoignant une zone monétaire portée par les États de l’AES, Dakar pourrait accélérer son processus de sortie, tout en s’inscrivant dans une logique de solidarité régionale.
Ce scénario viendrait renforcer une tendance de fond : le rejet grandissant d’un système monétaire qui, selon ses détracteurs, profite davantage à Paris qu’aux pays africains eux-mêmes. Les critiques contre le franc CFA soulignent son rôle dans le ralentissement du développement économique local et dans le maintien de rapports de dépendance financière.
Une nécessité politique et économique
La rupture avec le franc CFA n’est plus perçue comme un simple choix technique, mais comme une condition de survie économique et de dignité nationale. Pour les chefs d’État sahéliens comme pour le président Faye, la souveraineté monétaire est une étape essentielle de la décolonisation effective. « Il est impossible […] d’initier instantanément un processus monétaire », reconnaît-il, mais l’engagement est clair : l’Afrique de l’Ouest veut en finir avec les chaînes invisibles du franc CFA.
Le mouvement est lancé. Reste à savoir si les États de la région parviendront à dépasser les divergences administratives et politiques pour enfin créer un système monétaire adapté à leurs ambitions.
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