Vivian Gornick, « Emma Goldman. La révolution comme mode de vie » et Emma Goldman, « Lettres à l’amant. Et autres textes sur la difficulté d’aimer, de faire l’amour, et d’être libre » (Payot)

Une révoltée effrénée. « La légende d’Emma Goldman, la célèbre fauteuse de troubles, » est méconnue, aussi sa biographie psychologique signée Vivian Gornick, l’autrice des inoubliables Attachement féroce et La femme à part, sera l’occasion de la (re)découvrir. Emma Goldman, rebelle controversée, s’est battue pour imposer ses idées révolutionnaires et avant-gardistes. Son existence, aux nombreux rebondissements de nature sociopolitique, personnelle et sexuelle, est digne d’un roman de Zola. « Emma Goldman est née en 1869 dans une ville impériale russe de Kovno (en Lituanie, ndlr) au sein d’une famille à la misère et au malheur très tolstoïens. » Elle doit faire face à l’indifférence, à l’instabilité et à la violence de ses parents, et prend très tôt conscience « d’appartenir à une classe qui n’a pas de droits, uniquement des devoirs ». Y compris concernant son sexe. Cette « enfant sauvage indomptable » rêve d’étudier, mais Emma cesse sa scolarité à 12 ans pour travailler dans une fabrique de gants. Quatre ans plus tard, ayant refusé de se marier, elle part en Amérique. Mais là aussi, la désillusion est grande. Emma, qui vit à Rochester, sombre, comme beaucoup de migrants, dans « le bruit, la saleté et la pauvreté ». Cependant, « il y avait […] quelque chose qu’ils ne connaissaient pas en Europe : l’espoir ». Les graines rebelles présentes en Emma dès l’enfance vont là pleinement germer. « Le radicalisme politique fut la première histoire d’amour d’Emma. Ayant grandi dans la Russie impériale des années 1870-1880, elle avait respiré l’air de la révolte. » Cette « anarchiste hybride » n’a que cinq dollars en poche quand elle s’installe à New York, à 20 ans. Elle y rencontre Sacha Berkman, qui sera son complice pour la vie, et Johann Most, rédacteur en chef du journal Freiheit (« Liberté »). C’est lui qui l’encourage sur la voie de la révolte. Emma Goldman se transforme en passionaria des grandes causes, pourfendant les injustices sociales. Elle traverse les États-Unis tout en s’affranchissant des hommes. Mais ses idées dérangent l’ordre établi et elle finit par se retrouver en prison. La journaliste Margaret Anderson « annonça qu’on envoyait Emma en prison pour avoir dit aux femmes qu’elles « n’avaient pas à garder la bouche fermée et le vagin ouvert ». » Cette expérience fondatrice ainsi que ses rencontres littéraires ou intellectuelles (comme Freud) renforcent sa carapace et exacerbent sa sensibilité. Emma construit son « panthéon des amours ratés » qui lui révèlent une autre vérité essentielle : « une révolution couronnée de succès devait inclure une saine passion pour la vie intime » et pour la sexualité. Dans une société prônant l’équité entre hommes et femmes, « le plus vital des droits, c’est d’aimer et d’être aimé ». Cette philosophie infuse ses Lettres à l’amant. Elle y mêle ses idéaux sociaux à des réflexions intimistes féministes. Sa traductrice Léa Gauthier y perçoit « une femme qui puise dans sa souffrance personnelle l’énergie de ses luttes et transforme ses blessures en armes ». Malgré les coups durs, Emma Goldman encourage « l’humanité à prendre conscience de sa force, elle doit se libérer, commencer une vie meilleure et plus noble ».

Vivian Gornick
Emma Goldman. La révolution comme mode de vie
Payot
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 20 € ; 208 p.
ISBN: 9782228934947

Emma Goldman
Lettres à l’amant. Et autres textes sur la difficulté d’aimer, de faire l’amour, et d’être libre
Payot
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 9,50 € ; 176 p.
ISBN: 9782228934961


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