Vivre sa vie pleinement avec style dans des vêtements adaptés au handicap

Chaque matin, alors que la lumière pénètre doucement par les fenêtres de sa maison, Anita Kaiser fait une sélection minutieuse de ses vêtements pour la journée en fonction de son programme. Que ce soit pour travailler derrière son écran depuis chez elle, aller faire du sport comme de l’escalade ou tout simplement pour une sortie en ville; la coupe, les couleurs et le confort font partie des critères de sélection, mais pas seulement.

Anita Kaiser a rempli son garde-robe d’articles de chez Izzy Camilleri pour ne plus avoir à se soucier de se demander si les vêtements lui iront.

Photo : Radio-Canada / Mouaad El Yakaabi

Anita se déplace en fauteuil roulant après avoir subi une lésion de la moelle épinière. Trouver des vêtements adaptés à son mode de vie n’est pas évident et le diable se cache dans les détails.

Avec les pantalons, quand on est assis, ils remontent au niveau des jambes. Habituellement, les gens s’en moquent parce qu’ils sont principalement debout. Pour les hauts, ils ne tombent pas bien quand on est assis. Soit ils ont l’air trop grands ou ils font des plis bizarres sur le devant ou sur les côtés. Ils sont faits pour les gens debout ou si vous vous tenez droit sur votre chaise. Mais comme je n’ai pas le contrôle complet de mes muscles, je suis souvent un peu courbée, explique Anita Kaiser.

Revoir sa garde-robe est devenu une nécessité, tant pour des raisons de liberté de mouvement que d’estime de soi. Elle se souvient des premiers moments après son accident, qui ont changé sa façon de s’habiller.

Il y a un week-end dont je me souviens très bien, ma sœur est venue me voir à l’hôpital pour m’aider à me préparer pour sortir ensemble. Elle m’avait amené des vêtements que j’avais à la maison. Quand j’ai mis mes vêtements plus élégants, ça ne fonctionnait pas en étant assise, se remémore-t-elle. 

Vous savez, lorsque rien ne va, que vous ne vous sentez pas bien, que votre apparence n’est pas à son meilleur… Je ne voulais même plus sortir. J’ai éclaté en sanglots parce que je ne me sentais plus bien dans mon propre corps.

Une citation de Anita Kaiser

Mais aujourd’hui, dans son garde-robe, Anita n’a qu’à tendre le bras pour trouver un vêtement qui lui ira pour la journée, en particulier les pantalons. C’est grâce notamment au travail d’Izzy Camilleri, une conceptrice de mode torontoise qui, depuis plus d’une dizaine d’années, se consacre à créer des vêtements adaptés, en particulier pour les personnes en fauteuil roulant.

Son aventure avec sa marque IZ Adaptive commence en 2005. Alors qu’elle travaille encore pour la haute couture et le cinéma, Izzy est approchée par Barbara Turnbull, une journaliste du Toronto Star à la recherche de vêtements adaptés.

Izzy Camilleri manipule une paire de jeans de sa création.

Izzy Camilleri crée depuis 2015 des vêtements adaptés, dont une gamme de pantalons sans couture à l’arrière.

Photo : Radio-Canada / Julien Sahuquillo

Quand j’ai commencé à travailler pour elle, je me suis rendu compte à quel point s’habiller était un défi. J’ai pris conscience de tellement de choses. Pas seulement en ce qui concerne les vêtements, mais aussi comment elle vivait sa vie. Des choses que je tiens pour acquises chaque jour, raconte-t-elle.

Depuis, ils sont nombreux à ne jurer que par ses vêtements et ses pantalons, sa marque de fabrique.

Les pantalons sont ce sur quoi on travaille le plus. Quand vous restez tout le temps assis dans une paire de pantalons, ils peuvent devenir très inconfortables.

Une citation de Izzy Camilleri

Il y a toujours une couture derrière les pantalons réguliers et cette couture fait partie intégrante de ceux-ci. Ils divisent la droite de la gauche. Cela donne de la dimension entre l’arrière et l’avant, au niveau des cuisses, explique-t-elle qui a développé une ligne de pantalons sans ladite couture arrière.

Éviter les blessures

Kyle Whaley est physiothérapeute et directeur du cabinet Propel, dans la grande région de Toronto. Il insiste sur l’importance d’avoir des vêtements adaptés.

Par exemple une paire de jeans, les bordures des poches arrière sont proches, voire sur des points de pression. Des os juste sous la peau. Les personnes ayant reçu une opération de la moelle épinière sont à plus grand risque d’avoir des plaies de pression, explique-t-il.

Les plaies de lit sont des dommages sur la peau lorsque celle-ci est en pression continue contre une surface solide comme un lit ou un fauteuil. Elles sont un véritable problème de santé pour les patients, comme le note Dominique Gélinas Bronsard, membre des ergothérapeutes du Québec.

En 2022, 27 % des Canadiennes et Canadiens de 15 ans et plus avait au moins une incapacité.

La proportion a augmenté dans toutes les provinces depuis les dernières données de 2017.

Les incapacités de flexibilité représentaient 10, 6 %, celles de flexibilité 10, 9 %.

Source : Nouvelles données sur l’incapacité au Canada, 2022

demande des traitements plus spécialisés. Il faut souvent les aliter. C’est problématique pour les gens qui doivent aller au travail ou à l’école », »text »: »Quand c’est attrapé dès le début, ça peut se gérer. Quelqu’un avec des plaies plus profondes, çademande des traitements plus spécialisés. Il faut souvent les aliter. C’est problématique pour les gens qui doivent aller au travail ou à l’école »}} »>Quand c’est attrapé dès le début, ça peut se gérer. Quelqu’un avec des plaies plus profondes, ça demande des traitements plus spécialisés. Il faut souvent les aliter. C’est problématique pour les gens qui doivent aller au travail ou à l’école, souligne-t-elle.

Rendu à un certain stade, il faut faire des formes de débridement [couper les tissus dévitalisés et nécrosés, NDLR]. Comme si c’était un grand brûlé. Il faut enlever les tissus qui sont morts, installer des pompes pour enlever les fluides et permettre la guérison.

Un homme en fauteuil roulant devant la caméra pose dans la cuisine chez-lui.

Spencer West a fait appel à IZ Adaptive, une entreprise de mode torontoise qui offre des vêtements aux personnes en situation de handicap, sans sacrifier l’esthétisme.

Photo : Radio-Canada / Mouaad El Yaakabi

Tous deux insistent aussi sur l’importance de vêtements dont l’allure soit aussi plaisante. Porter des vêtements qui plaisent a, selon eux, une véritable conséquence sur la santé mentale.

Je trouve que c’est important pour l’estime de soi. Pour qu’ils aient juste envie de sortir. Mais aussi pour le milieu du travail ou de l’école pour se sentir à l’aise avec leurs pairs. Notre société fonctionne beaucoup par l’apparence donc avoir des vêtements qui permettent d’être à la fois confortable et d’éviter des risques de santé tout en ayant une apparence qui réponde aux attentes, c’est important, indique Dominique Gélinas Bronsard.

Adaptés, mais avec style

Trouver des vêtements adaptés n’est pas chose aisée. Il n’existe pas de rayons consacrés à type de vêtements dans la plupart des magasins. Quand bien même cela serait le cas, les clients devraient pouvoir essayer les articles chez eux et pouvoir les ramener en cas de problème.

La vente en ligne, rendue encore plus populaire pendant la pandémie, a certainement donné un coup de pouce aux entreprises qui vendent des vêtements adaptés.

Reste toutefois que la plupart des entreprises sur ce marché visent en priorité une clientèle âgée ou hospitalisée avec, souvent, une vision de la mode axée davantage sur le confort et le côté pratique que sur l’esthétique.

Spencer enregistre une vidéo devant son téléphone.

Spencer West publie régulièrement des vidéos sur les réseaux sociaux pour parler de ses expériences.

Photo : Radio-Canada / Julien Sahuquillo

Bien paraître est pourtant crucial pour Spencer West. Ce créateur de vidéos et conférencier passe ses journées à partager son quotidien particulier. Depuis ses cinq ans, il vit sans jambe. Elles ont dû être amputées en raison d’une maladie génétique.

Spencer marche sur ses mains la plupart du temps, mais utilise un fauteuil roulant pour des raisons pratiques lorsqu’il sort.

Trouver des vêtements a toujours été difficile pour moi. Parce que j’ai de larges épaules et un torse large, mais en raison de ma maladie, ma taille n’a pas beaucoup grandi, précise-t-il.

Bien que la quête soit difficile, Spencer West a toujours cherché à allier son apparence à son dynamisme.

Je cherchais un manteau élégant. En tant que conférencier inspirant, je fais des conférences et je vais dans des événements où il faut être bien habillé. Donc je voulais un manteau pour ce type d’occasion. Je voulais quelque chose qui ne soit pas trop long pour ne pas que ça ne traîne pas par terre, mais qui tombe correctement sur la chaise et qui s’adapte bien à différentes tenues.

Par un ami commun, il a pu rencontrer Izzy Camilleri.

Spencer a une grande présence et une grande communauté. On a décidé de faire une vidéo autour de la création de ce manteau, explique-t-elle.

Portrait de Izzy Camilleri dans son studio.

Izzy Camilleri est à la tête d’une petite équipe qui comprend jusqu’à 7 personnes depuis son studio dans le quartier de Junction à Toronto.

Photo : Radio-Canada / Julien Sahuquillo

Si elle ne fait pas très fréquemment de pièce sur demande, la réflexion autour du manteau nous offre un aperçu du minutieux travail d’adaptation d’un vêtement au demeurant commun.

C’est un manteau qui devait fonctionner en position assise. Mais Spencer a de très larges épaules, de très longs bras. Il a un torse court. Et de la manière dont il se tient sur sa chaise, il avait besoin qu’on structure le manteau sur le devant pour éviter que ça ne fasse plein de plis, explique Izzy Camilleri.

Un travail de fourmi qui en fin de compte se solde souvent par un sourire sur le visage de ceux qui enfilent leur nouvelle acquisition.

Le manteau de Spencer West posé sur une table.

Le manteau de Spencer a été pensé dans les moindres détails.

Photo : Radio-Canada / Julien Sahuquillo

ans pour trouver ce que je voulais. Pour avoir un manteau qui est beau et qui fonctionne pour moi. On a fini au printemps, mais dès que l’automne est revenu je me suis empressé de le porter », »text »: »C’était vraiment émouvant de le porter pour la première fois. Ça m’a pris 40ans pour trouver ce que je voulais. Pour avoir un manteau qui est beau et qui fonctionne pour moi. On a fini au printemps, mais dès que l’automne est revenu je me suis empressé de le porter »}} »>C’était vraiment émouvant de le porter pour la première fois. Ça m’a pris 40 ans pour trouver ce que je voulais. Pour avoir un manteau qui est beau et qui fonctionne pour moi. On a fini au printemps, mais dès que l’automne est revenu je me suis empressé de le porter, raconte Spencer West, reconnaissant l’avoir plusieurs fois porté chez lui, pour son propre plaisir. Usant les miroirs plus qu’à l’accoutumée.

L’accessibilité aussi pour le porte-monnaie

Le marché du vêtement accessible, bien qu’en expansion, reste encore confidentiel.

Si Izzy Camilleri observe un intérêt de marques comme Tommy Hilfiger depuis 2015, Nike, Target ou plus récemment Victoria Secret, les vêtements adaptés sont loin d’inonder le marché.

En découle aussi un coût. La petite entreprise IZ Adaptative, qui emploie de six à sept personnes, s’affaire à maintenir une certaine qualité. Celle des tissus par exemple est importante.

Les gens qui vivent avec des handicaps usent beaucoup leurs vêtements. Souvent, les gens sont transférés d’un point A à un point B en les attrapant par leurs vêtements. Il y a beaucoup de saleté qui peut s’accumuler en bas des pantalons ou au niveau des manches. Il y a beaucoup de lavage, précise la conceptrice de mode.

Grâce à des modèles de base élaborés depuis plusieurs années, la marque a pu commencer à faire fabriquer ses vêtements à l’étranger.

% », »text »: »Il y a beaucoup de gens avec un revenu fixe, certains ne peuvent pas travailler. Je me devais d’arriver à un point où je pouvais déplacer la production à l’étranger. Dans certains cas j’ai pu réduire le prix des produits de 50% »}} »>Il y a beaucoup de gens avec un revenu fixe, certains ne peuvent pas travailler. Je me devais d’arriver à un point où je pouvais déplacer la production à l’étranger. Dans certains cas j’ai pu réduire le prix des produits de 50 %, note Izzy Camilleri.

Sa ligne de vêtements comprend toutefois des pantalons de 80 à 89 $ et des chandails autour de 70 $, des prix encore loin des produits des marques grand public.

Des vêtements dans lesquels vivre comme tout le monde

Anita Kaiser, Anthony Lue et Spencer West ne jurent que par les vêtements d’IZ Adaptive. Tous avancent la même raison. Ils y ont trouvé des vêtements à leur goût dans lesquels ils se sentent eux-mêmes.

Il y a ce stéréotype des gens en fauteuil qui ne portent que des pantalons de sport, qu’ils ne s’habillent pas bien. Mais la raison, c’est que c’est facile à enfiler, ça va bien, comparé à beaucoup de jeans du commerce avec des tailles qui ne vont jamais, souligne Anthony Lue.

Bien sûr que je veux être confortable, mais je veux aussi être aimé et être à la mode et prendre ma place dans la société.

Une citation de Spencer West

Anita Kaiser reconnaît que cela enlève un peu cette anxiété de savoir quoi porter et si ça va bien nous aller. Maintenant, dit-elle, je n’ai plus vraiment à me soucier de ça. Je sais que j’ai une garde-robe qui fonctionne pour moi.

Photographie de Spencer et de ses amis lors d'un voyage.

Spencer West vit la vie à pleines dents et voyage aux quatre coins du monde.

Photo : Radio-Canada / Julien Sahuquillo

Quant à l’accessibilité financière, Spencer West espère enlever les œillères d’une industrie qu’il estime encore trop peu au fait des questions d’inclusivité.

souvent vus comme un marché de niche et pas assez lucratif. Mais on représente une large part de la population et on est aussi le seul groupe minoritaire par lequel tout le monde va passer que ce soit temporairement ou de façon permanente. », »text »: »[On est]souvent vus comme un marché de niche et pas assez lucratif. Mais on représente une large part de la population et on est aussi le seul groupe minoritaire par lequel tout le monde va passer que ce soit temporairement ou de façon permanente. »}} »>[On est] souvent vus comme un marché de niche et pas assez lucratif. Mais on représente une large part de la population et on est aussi le seul groupe minoritaire par lequel tout le monde va passer que ce soit temporairement ou de façon permanente.

Malgré tout, il admet que la société se réveille doucement et réalise que les personnes en situation de handicap désirent les mêmes choses que le reste de la société.

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