Oui, totalement. Depuis le drame qui a touché mon fils Antoine et ma famille, je suis pleinement engagé dans ce combat pour empêcher que d’autres parents aient à faire ce deuil contre-nature, celui de survivre à leur enfant. Aujourd’hui, on comptabilise 3 431 morts sur les routes selon le bilan provisoire de l’ONISR 2024, dont 700 enfants de moins de 25 ans : la route reste la première cause de mortalité dans cette tranche d’âge. Concrètement : ce soir, nous allons nous coucher, éteindre la lumière. Demain, trois enfants seront décédés. La route tue : certes, nous sommes loin des 13 000 morts d’il y a quelques dizaines d’années, avant les mesures mises en place par Jacques Chirac en 2002, mais je constate aussi que nous sommes confrontés à un plafond de verre. Depuis quelques années, ce chiffre ne baisse plus. Il faut s’attaquer à ce fléau mondial ! Et c’est pourquoi nous voulons désormais mettre la technologie et l’innovation au service de la vie, en lançant un mouvement qui s’appelle Impact.
De quoi s’agit-il ?
C’est un mouvement ouvert à tous les acteurs de la technologie et de l’innovation, ainsi qu’à ceux qui veulent les soutenir dans un engagement collectif contre la violence routière. J’ai la conviction forte que nous pouvons en effet mobiliser l’innovation et la technologie pour sauver nos jeunes, et plus largement tous les usagers de la route. La technologie peut aider à prévenir les accidents, à sensibiliser autrement. C’est ce que j’appelle de la « prévaction ». Pour réduire le nombre de morts sur les routes, tout doit être tenté, je crois. C’est pourquoi nos partenaires se mobilisent, à travers la signature d’une charte d’engagement, pour lutter contre ces violences.
Sur combien de personnes comptez-vous aujourd’hui ?
Plus de 30 partenaires de nombreux secteurs (le luxe, les assurances, le commerce…) vont signer cette charte en prenant l’engagement de contribuer financièrement au projet, et de sensibiliser les membres de leurs entreprises à ce sujet. Je suis fier de toucher la société civile sur cette thématique. L’Association Antoine Alléno sera la seule à être présente au salon VivaTechnology, du 11 au 14 juin, grâce au soutien de la fondation Renault. Ce salon sera pour nous l’occasion de toucher un public plus jeune, notamment par le biais d’une performance artistique. Elle racontera en effet ce qu’il se passe dans le cerveau de quelqu’un qui prend la route sans se rendre compte de son état. Nous avons été suivis par une multitude d’artistes comme le chanteur Gaëtan Roussel ou le danseur de l’Opéra de Paris Takeru Coste, mais aussi par la neuroscientifique Isabelle Hoxha.
À l’occasion de cet événement, vous avez lancé un appel à projet afin de valoriser les idées les plus novatrices. Lesquelles ont déjà retenu votre attention ?
Oui, un concours a été lancé, destiné aux start-ups, avec une enveloppe de 50 000 euros à la clef ! Nous avons reçu plus de 70 candidatures du monde entier, et ceux qui le veulent peuvent encore concourir dans trois catégories : prévenir les accidents, réduire leur impact, encourager les comportements et la conduite stable. À cette occasion, j’ai été soufflé de voir l’immense créativité des uns et des autres ! Et j’ai en tête plusieurs projets en vous disant ça. Un jean qui comporte des airbags par exemple, ou un système d’alerte « intelligent » qui détecte la somnolence par le biais des ondes émises par le cerveau ! Un autre outil analyse le niveau de sudation sur le volant, et donc l’état d’ébriété… Toutes ces idées sont fabuleuses. Nous gardons encore et toujours le même objectif : construire un avenir dans lequel la route n’est plus synonyme de drame.
C’est en effet le but affichépar l’association Antoine Alléno. Comment décririez-vous sonrôle aujourd’hui ?
Nous sommes préoccupés par le bien commun et nous y participons à notre mesure : nous accompagnons les familles frappées par la violence routière en mettant en place un suivi psychologique sur mesure. La fondation a suivi plus de 150 familles depuis sa création et délivré – via des praticiens partenaires – 763 rendez-vous avec un psychologue. En effet, la famille, les parents, mais aussi les frères et sœurs sont toujours lourdement atteints, et très peu aidés et suivis. Ce sont les grands oubliés ! Au sein de l’association, nous travaillons aussi à un texte de loi, portée notamment par le député Éric Pauget, pour la création de l’infraction d’« homicide routier », car il est primordial de nommer les choses !
« L’association Antoine Alléno a suivi plus de 150 familles »
Nous voulons faire reconnaître l’intentionnalité que recèlent certains comportements à risque, comme la conduite sous emprise d’alcool, de stupéfiants ou la vitesse excessive. Il s’agit d’une prise de risque consciente et délibérée envers autrui. Et quand une famille de victimes entend le terme « homicide involontaire » dans ces cas précis, c’est extrêmement violent. Camus avait raison, « mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde ». La dissolution de l’Assemblée nationale a suspendu le processus législatif, mais nous avons bon espoir que la loi passe dans les mois à venir !
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