Humiliations, coups, « terreur »… D’anciens élèves de Saint-Dominique de Neuilly dénoncent des violences


La vague de libération de la parole qui a fait suite à l’affaire Bétharram, cet établissement béarnais aujourd’hui visé par 175 plaintes, n’en finit pas de déferler. C’est au tour de l’institution Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) d’être montrée du doigt pour des faits de « violences physiques, psychologiques et sexuelles », comme le dénonce un collectif de victimes, qui se seraient déroulés dans les années 1990 et jusqu’en 2001.

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« Quand nous avons appris qu’un ancien préfet de discipline à Bétharram avait exercé pendant huit ans dans notre école au poste de censeur, nous ne pouvions pas rester sans rien faire », nous explique Constance Bertrand, qui a lancé avec d’anciens élèves un appel à témoignages sur Facebook. « Et là, stupeur ! Nous avons recueilli en quelques jours des témoignages précis concernant six personnes. »

Le collectif des victimes de Saint-Dominique a signalé les faits au procureur de Nanterre et a rencontré l’évêque et le vicaire général des Hauts-de-Seine, qui ont été, selon leur porte-parole Constance Bertrand, « très réactifs ». Dans un courrier adressé aux familles, daté du 13 mars, la direction de Saint-Dominique affirme être au courant de ces nouveaux témoignages. Elle nous précise que « les personnes mises en cause ne sont plus en poste dans l’établissement ».

À LIRE AUSSI Affaire Notre-Dame de Bétharram : « J’avais donné à mes élèves le numéro de l’enfance en danger » Le collectif, qui sera auditionné par la commission d’enquête sur les violences scolaires à l’Assemblée, jeudi 20 mars, a recueilli une vingtaine de témoignages directs ou indirects relatant des violences qui auraient été commises par des laïcs (deux instituteurs, deux professeurs et un surveillant). Un religieux est également visé pour des faits de nature sexuelle.

Selon nos informations, une plainte a été déposée et une autre va l’être très prochainement pour des faits d’abus sexuels qui se seraient déroulés dans les années 1990 à Saint-Dominique.

« Sadisme, cris, pincements, humiliations… »

Alix*, 36 ans, a fréquenté « Saint-Do » du CP au Bac. Élève discrète, elle a « détesté » sa scolarité dans cette institution catholique de renom, qui représentait aux yeux de certains parents « une chance » pour leur progéniture d’accéder à de grandes écoles. C’est de son institutrice de CM1, cette « Cruella d’Enfer », qu’elle garde le pire souvenir. « Mlle X. instaurait un climat de terreur dans la classe », raconte-t-elle au Point. Bonne élève, Alix se faisait toute petite pour ne pas avoir à subir les remarques humiliantes, voire les coups, dit-elle, de sa maîtresse, qui pratiquait du « sadisme au quotidien ».

Nous sommes en 1998. Un matin, en voyage de classe, Mlle X. s’en serait prise à Alix, 9 ans. « Je rigolais dans ma chambre avec une camarade, elle est arrivée et m’a tapé le crâne à plusieurs reprises avec son poing. Ça faisait “toc-toc-toc” comme on frappe à une porte ! » confie-t-elle. La petite fille, sidérée, est restée sans voix. « Ce geste vraiment fort m’a placée dans une profonde détresse pour le reste de l’année. J’ai développé des rituels avant d’aller en cours, des maux de tête réguliers et une angoisse tenace face aux débordements récurrents de cette institutrice : cris, pincements, humiliations… »

Une autre élève, qui souhaite rester anonyme, abonde sur le groupe Facebook. Elle se souvient d’un « énorme coup de poing répété » sur sa tête de la part de l’enseignante alors qu’elle était en train de sortir un cahier. « Ça m’a fait tellement mal et peur que j’en ai fait pipi dans ma culotte… » Et pourtant, « bonne élève », elle n’était pas sa « cible ». « Elle s’acharnait chaque année sur deux ou trois enfants en difficulté », écrit-elle. Quatre ans plus tard, c’est son petit frère qui serait devenu la « cible » de l’enseignante. Ses parents s’en plaignent à la direction mais rien ne se passe. L’enseignante a exercé de nombreuses années dans l’établissement.

Pas de plainte contre l’ex-surveillant de Notre-Dame de Bétharram

Un autre instituteur est mis en cause dans les témoignages recueillis par le collectif, informe Constance Bertrand. Une ancienne élève de CM2 dit avoir été marquée par son année scolaire de 1993-1994, et évoque, notamment, des « caresses sous la jupe derrière le bureau du professeur ». Mais elle n’est pas prête à en dire plus à la presse. Les témoignages de victimes présumées de violences sexuelles ne sont d’ailleurs pas détaillés dans ce groupe Facebook, ouvert début mars.

Pour l’instant, aucune plainte ne vise l’ancien surveillant de Notre-Dame de Bétharram, surnommé « Cheval », qui a officié comme surveillant général au collège et au lycée Saint-Dominique de 1989 à 1997. Ce dernier a été placé en garde à vue le 19 février 2025, mais relâché malgré 87 plaintes (pour violences physiques et sexuelles) déposées par d’anciens élèves de Bétharram. Un préfet de discipline qui avait la réputation de donner des « gifles monumentales » avec sa chevalière retournée, comme nous l’ont décrit de nombreuses victimes dans notre enquête de juin dernier.

À LIRE AUSSI Affaire Bétharram : ce que l’on sait des dernières avancées de l’enquêteÀ Saint-Dominique, témoigne sur Facebook une ancienne élève scolarisée de 1990 à 1997, « il soulevait les élèves par les oreilles ou leur tirait les cheveux des tempes ». Un autre évoque un « censeur terrifiant » qui pratiquait des gestes d’une « violence inouïe » dans une « ambiance de peur générale ».

« Caresses » d’un prêtre

« On sait que ce monsieur a couvert un prêtre ayant officié dans l’établissement », affirme Constance Bertrand. Ce frère issu de la communauté de Saint-Jean a été condamné, en 2019, à six mois de prison pour détention d’images à caractère pédopornographique. Il avait également été mis en cause pour des faits d’agression sexuelle commis en 1999 sur un mineur. Des faits prescrits, mais qui étaient connus de sa congrégation, qui lui avait délivré une « interdiction morale » de fréquenter des mineurs.

Dès 1995, ce religieux avait attiré l’attention. À Saint-Dominique, des faits étaient en effet remontés au fameux censeur et à son adjointe, Mme C. Trois élèves de cinquième avaient pris leur courage à deux mains pour aller dénoncer l’attitude étrange de ce jeune prêtre un peu trop « affectueux ».

Vous savez, les hommes de Dieu, ils n’ont pas beaucoup d’affection…

Jonathan, que nous avons contacté, et qui vit aujourd’hui en Californie, avait 12 ans à l’époque. Il se souvient très bien de ce prêtre « assez jeune et sportif », qui l’avait choisi dans son équipe de foot, lui ce joli blondinet, lors d’une journée de retraite. « Il s’est mis à me caresser le dos et les épaules, témoigne-t-il. J’ai trouvé ça très inconfortable, et gênant venant d’une personne que je ne connaissais pas. Cela s’est reproduit à deux autres reprises pendant le match malgré ma volonté de l’éviter. » Deux de ses amis lui racontent avoir subi le « même traitement » de la part du frère et, ainsi, à trois, ils décident d’aller en parler au surveillant général.


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« À notre grande surprise, on nous répond : “Vous êtes en train de vous monter toute une histoire dans votre tête, il est juste amical parce qu’il est nouveau et qu’il veut se faire accepter…” » S’ensuit cette phrase – « une justification ignoble », dixit Jonathan, qui l’a gardée en mémoire – de Mme C. : « Vous savez, les hommes de Dieu, ils n’ont pas beaucoup d’affection, donc c’est normal qu’ils soient plus affectueux que la norme avec les enfants. » En conclusion, les trois élèves ont eu droit à ces menaces du censeur : « Si vous en parlez, cela aura de graves conséquences sur vous ! » Jonathan est reparti résigné.

*Le prénom a été modifié.


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