Burkina, la junte sur une corde raide face au djihadistes

Le régime du capitaine Ibrahim Traorè bat de l’aile face à l’offensive spectaculaire du JNIM qui, continue de tisser sa toile d’araignée autour de la capitale Burkinabé et de planter son drapeau sur tout  le territoire du Burkina Faso. 

Samir Moussa (correspondance) 

Depuis le 13 mars, une vague d’attaques fulgurantes menées par le groupe djihadiste, Jama’at nusrat al-islam wal-muslimin ( JNIM), affilié à Al-Qaida, touchent le cœur de la junte,  ébranlent les fondements d’un régime déjà vacillant. Les forces de défense et de sécurité ( FDS) et leurs supplétifs, les volontaires pour la défense de la patrie (VDP), s’écroulent,  enchaînent les revers, subissent des défaites, en cascade, submergées par les assauts incessants  des ennemis. Des détachements entiers sont perdus, des quantités incalculables d’armes et de munitions sont emportées, régulièrement.

Il y’a lieu de craindre avec la déconfiture des troupes gouvernementales que la menace terroriste ne se rapproche de la capitale car il n’y a plus de verrou infranchissable. Ouagadougou pourrait se retrouver assiégée, encerclée par les hordes djihadistes avant peut-être de tomber. Tout peut arriver au Burkina qui est devenu le ventre mou du Sahel et pays le plus touché au monde par le terrorisme qui bat son plein et s’implante à une vitesse hallucinante.

Les chiffres donnent froid dans le dos. En 4 jours seulement, du 13 au 16 mars 2025, le JNIM a frappé dans plusieurs régions du pays avec une précision chirurgicale. Dans la région de l’Est, les détachements de Foutouri, Tandjari, Yamba et Partaga sont tombés les 14 et 15 mars, littéralement investis et pillés par les assaillants.  A Foutouri, une seconde attaque ce 15 mars 2025 s’est soldée par un bilan très lourd non encore révélé. La débandade est totale.  

Dans les hauts -bassins, à Séguédougou, plus de 30 FDS et VDP ont été tués en  un seul assaut. Au centre nord, autour de Barsalgho, 37 soldats et volontaires ont péri. A watinom, près de Tenkodogo, 26 autres éléments ont été abattus. A Roussi, 19 victimes viennent s’ajouter à cette liste funèbre. Ce dimanche, 16 mars, Séguénéga, déjà frappée le 15 mars avec un lourd bilan, a subi une nouvelle incursion qui porte à croire que les forces armées Burkinabé sont incapables de tenir et défendre leurs positions. Pis encore, vers 17h, ce même jour, une double attaque a visé les villages de Lerghin et Boanghin , situés à 2 et 4 km de ouargaye (centre est). Bilan: des morts, des blessés, actuellement, acheminés vers l’hôpital de Ouargaye.

Au total, au moins 10 détachements ont été rayés de la carte, leurs arsénaux saisis par le JNIM: mitrailleuses, lance-roquettes, fusils d’assaut,  munitions, par milliers. Chaque victoire remportée par les djihadistes leur offre  l’occasion de renforcer leur puissance de feu avec le butin saisi. A l’inverse, l’armée burkinabé, se décompose et sombre dans l’abîme, à vue d’œil. « A ce rythme, ils (djihadistes), marcheront sur Ouagadougou, d’ici quelques semaines « , prévient un analyste militaire sous couvert de l’anonymat.

Le capitaine Ibrahim Traorè, depuis qu’il a accédé au pouvoir, par un coup d’Etat en septembre 2022, n’a pas été capable de remobiliser les troupes pour gagner des batailles et triompher du terrorisme, en fin de compte. Et, pourtant, il s’était engagé,  solennellement, à restaurer la sécurité en 90 jours, à éradiquer complètement le terrorisme. Il est loin du compte, aujourd’hui. La promesse n’a pas été tenue à l’épreuve de la réalité du pouvoir, à cause d’errements et de louvoiements dans une gouvernance marquée par la cécité politique et les derives dictatoriales. Selon un officier supérieur de l’état major burkinabé, l’armée aurait perdu 60 % de ses capacités en armement depuis que le capitaine Ibrahim Traorè preside aux destinées de son pays. Matériel herité de l’ère pré-Traoré ou acquis sous son règne, tout finit par tomber entre les mains du JNIM avec une facilité déconcertante et à une vitesse alarmante. « Nous sommes en train de perdre la guerre, pas seulement, nous sommes en train aussi de perdre notre pays, tout entier », confesse cet officier, la voix étreinte par le désespoir et le désarroi.

Les attaques menées par les djihadistes sont toutes couronnées de succès. L’armée Burkinabé ne constitue plus une digue mais se révèle plutôt une passoire. En cause, le manque de coordination, le moral des troupes au plus bas, en chute libre. Les FDS et les VDP,  dans un passé récent, considérés comme la colonne vertébrale de la lutte contre le terrorisme ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Les djihadistes profitent,  au maximum, du désert sécuritaire, pour avancer et pousser très loin leur avantage, non sans audace et témérité.

Ce qui se profile à l’horizon, c’est le siège de ouagadougou. Le JNIM, fort de ses succès, et de son maillage significatif de tout le territoire, gagne en confiance et envisage de nouvelles conquêtes. Il resserre l’étau autour de la capitale,  méthodiquement. Les régions de l’est, du centre-nord, et des hauts-bassins deviennent des zones de non-droit tandis que les infiltrations fréquentes à Séguénéga, la double attaque de ce 16 mars 2025, près de Ouargaye, préfigurent d’une chevauchée inexorable au cœur du pouvoir:  « Si rien n’est fait, ouagadougou tombera comme un fruit mûr « , alerte un observateur de la région du Sahel.

Face à ce péril certain, le régime se retranche dans un silence assourdissant. Aucune communication,  à ce jour, n’a été faite pour aborder le sujet des pertes énormes tant humaines que matérielles enregistrées encore moins prévenir les populations des dangers imminents. En tout cas, des bruits de mutinerie et de désertions dans les rangs courent les rues. La junte qui misait sur la  rhétorique du chauvinisme et une mobilisation populaire sous l’égide des VDP, assiste, impuissante, à l’échec de ses manœuvres dilatoires. Les populations, elles, sont persecutées par les djihadistes et déçues aussi par l’incapacité de leurs dirigeants à préserver leur intégrité et leurs vies.

Toutes les conditions sont réunies pour que le Burkina bascule dans un chaos irréversible. La communauté internationale, jusque là, enfermée dans le mutisme, qui pêche aussi par son immobilsme, doit retrouver ses marques afin de parer au plus pressé, quand on sait que la porosité du Burkina pourrait déstabiliser l’ensemble du Sahel ainsi que les pays du golf de Guinée.
Quant à Ibrahim Traorè, son régime est chancellant, miné par ses échecs retentissants.  
Chaque jour qui passe, le JNIM se rapproche de ouagadougou désormais à sa merci. L’on imagine le déluge de violence et la rivière de sang qui coulera si jamais le groupe terroriste parvient à pénétrer dans la capitale.

Le temps presse pour voler au secours d’un Burkina,  fragmenté, menacé d’annexion djihadiste. Il ne faut pas attendre que le pire se produise pour se précipiter au chevet du grand corps malade qu’est devenu le pays des hommes intègres. Ceux-ci sont esclaves chez eux, tous en même temps qu’ils sont tous mourrants.

Samir Moussa

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