La libération de Roland Ewane révèle les failles sécuritaires persistantes dans la péninsule disputée de Bakassi.
Dans une région camerounaise marquée par l’instabilité, le sous-préfet d’Idabato vient de retrouver la liberté après cinq mois de captivité aux mains de pirates présumés nigérians. Sa libération, bien que célébrée, soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Enquête exclusive de 237online.com sur les zones d’ombre de cette affaire qui ébranle les relations diplomatiques entre le Cameroun et le Nigeria.
Retour sur une captivité orchestrée par des intérêts obscurs
Le calvaire d’Ewane Roland a débuté le 1er octobre 2024, lorsque des hommes armés ont fait irruption dans sa résidence à Idabato, l’enlevant avec Ismael Etongo, un employé municipal. Pendant sa détention, une vidéo glaçante montrait le sous-préfet implorant l’aide des autorités camerounaises, tandis que ses ravisseurs menaçaient de l’exécuter si leurs exigences n’étaient pas satisfaites.
Ces pirates, dont l’identité reste floue, avaient réclamé une rançon pharaonique de 1,9 milliard de FCFA et la libération de leurs complices détenus au Cameroun. Selon nos sources proches du dossier, ces demandes exorbitantes cachaient potentiellement des motivations plus complexes liées au contrôle économique de cette zone stratégique.
L’ombre de Bakassi plane sur une libération mystérieuse
La péninsule de Bakassi, territoire disputé entre le Cameroun et le Nigeria avant d’être officiellement attribuée au Cameroun par la Cour internationale de Justice, reste une poudrière. Riche en ressources halieutiques et pétrolières, elle attire convoitises et tensions.
Le gouverneur du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilai, n’avait pas hésité à pointer du doigt “certains résidents nigérians collaborant avec les pirates”, accusant les efforts du sous-préfet pour collecter les impôts d’avoir “suscité la colère des hommes d’affaires nigérians” opérant dans la région. Une déclaration qui témoigne des tensions sous-jacentes dans cette zone frontalière sensible.
“La libération d’Ewane ne règle pas le problème fondamental de sécurité dans la péninsule,” confie à 237online.com un expert en sécurité maritime sous couvert d’anonymat. “Elle pourrait même encourager d’autres actes similaires si les véritables commanditaires ne sont pas identifiés et neutralisés.”
Les questions qui dérangent Yaoundé
Tandis que l’autorité administrative a été conduite au camp du BIR puis escortée vers Yaoundé pour une déclaration officielle, plusieurs zones d’ombre persistent:
- Une rançon a-t-elle finalement été versée, contrairement aux positions officielles?
- Quel sort a été réservé à Ismael Etongo, l’autre otage dont on ne parle presque plus?
- Pourquoi le maire d’Idabato, Etongo Efange, reste-t-il détenu à Buea depuis l’enlèvement?
Les autorités camerounaises, mutiques sur les conditions exactes de cette libération, devront tôt ou tard clarifier ces points qui alimentent déjà les rumeurs et spéculations sur les réseaux sociaux.
En attendant, Roland Ewane, visiblement amaigri mais en “bon état physique” selon les sources sécuritaires, va pouvoir retrouver sa famille après ce long calvaire. Sa femme Rose, qui avait lancé un appel poignant à la Première Dame Chantal Biya en novembre, peut enfin respirer.
L’affaire Ewane Roland révèle une fois de plus les défis sécuritaires auxquels font face les représentants de l’État dans les zones sensibles du Cameroun, entre crise anglophone et tensions frontalières. Un rappel cruel que derrière les discours officiels sur la sécurité nationale, des vies sont en jeu.
Par Alain-Claude Ndom pour 237online.com
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